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Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 24.djvu/811

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jamais été reçue dans le sein de la confédération germanique, ne jouit d’aucun des privilèges attachés aux membres de cette association, et n’a jamais envoyé de députés à la diète allemande. Cette partie de l’Istrie parut ressentir le contre-coup de la révolution vénitienne ; plusieurs districts se soulevèrent, chassèrent les garnisons autrichiennes, et déclarèrent vouloir se réunir à la république, dont ils n’avaient été séparés que par la force. De là un concert de reproches et d’invectives contre Venise, que l’on accusait d’attirer sur l’Italie tout entière par sa folle propagande la colère et la vengeance de l’Europe, en commençant par l’Angleterre et en terminant par la confédération germanique. Une autre accusation vint encore frapper, non pas Venise, mais l’un des membres les plus distingués de son gouvernement. La Croatie avait pris récemment les armes contre la domination des Magyars. M. Tommaseo, né en Dalmatie, dans un pays slave, avait qualité pour adresser aux Croates des paroles fraternelles et pour les détourner d’une lutte dont il ne croyait pas l’issue favorable à la cause italienne. C’est ce qu’il fit. Aussitôt les journaux hostiles à la république vénitienne rapportèrent, en la commentant, l’adresse de M. Tommaseo aux Croates, et il n’y eut pas, pour ce ministre, assez de sarcasmes et d’injures. Le gouvernement républicain, déjà accusé de vouloir conquérir les îles Ioniennes et l’Istrie, fut signalé à l’indignation d’un certain nombre d’italiens comme le futur allié des Croates.

Toutes ces accusations ridicules ne mériteraient pas d’être rappelées, si elles n’étaient de sûrs indices du ressentiment causé dans la plupart des états italiens par la proclamation de la république de Venise. Cette proclamation avait été interprétée, nous l’avons dit, comme l’expression d’une tendance séparatiste. Au fond cependant, ni Venise ni son gouvernement ne voulaient demeurer en dehors du royaume projeté de l’Italie septentrionale. La proclamation émanée du quartier-général piémontais, lors de l’entrée de Charles-Albert et de son armée sur le territoire lombard, était conçue en termes qui laissaient aux Vénitiens la faculté de faire cause commune avec l’Italie du nord sans sacrifier immédiatement leurs sympathies républicaines. Le gouvernement vénitien saisit avec empressement l’occasion qui lui était offerte par la déclaration du roi de Piémont. « Unissons-nous pour l’expulsion de l’étranger, dit-il dans sa réponse à Charles-Albert ; formons dans ces belles plaines, encore foulées par l’étranger, une alliance que nous cimenterons plus tard dans les villes délivrées de l’oppression autrichienne ; combattons aujourd’hui, et, lorsque nous serons libres, nous convoquerons la nation et nous l’inviterons à décider de son avenir. » La preuve que ce langage était sérieux est dans les démarches amicales que fit aussitôt le gouvernement vénitien auprès du gouvernement lombard, auquel il envoya un représentant. Milan, Parme, Modène et toutes les villes affranchies répondirent d’ailleurs à Charles-Albert