Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 24.djvu/864

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Des partis parlementaires en Belgique. — Apologie et rapprochement, par M…, membre de la chambre des représentans[1]. — Voici une déclaration loyale et hardie. Un des plus habiles ministres qu’ait produits l’ancienne majorité catholique belge vient hautement proclamer la défaite des siens, leur impuissance à se reconstituer comme parti, le devoir impérieux qui leur commande de renoncer à toute récrimination stérile, à toute arrière-pensée d’isolement, pour apporter leur contingent d’autorité et de lumières au nouveau parti gouvernemental. Ce n’est pas la première fois que ces sortes d’avances se produisent. Au mois de juin 1847, au fort même de la lutte électorale qui devait décider le sort des deux partis, on avait déjà vu plus d’un catholique placer sa candidature sous le drapeau libéral ; mais il était permis de suspecter ces subites conversions, qui avaient pour but avoué de supplanter des libéraux beaucoup moins équivoques. Aujourd’hui, pareil doute n’est plus permis ; les libéraux ont définitivement conquis la situation, et l’on peut prendre au pied de la lettre les concessions d’un parti qui n’a, de long-temps du moins, plus rien à craindre ou à espérer. Le contre-coup de la révolution de février a d’ailleurs apporté de profondes modifications dans les partis belges. Brusquement rapprochés par le danger commun, ceux qui demandaient trop et ceux qui n’accordaient pas assez se sont spontanément entendus pour déblayer le sol de toutes les questions politiques qui l’obstruaient. La Belgique n’a plus rien à conquérir en fait de liberté ; les dernières limites de la constitution sont atteintes. Une simple question de prépondérance pourrait seule désormais diviser les partis, et elle est résolue au profit des libéraux. L’auteur de l’Apologie ne se ferait pas même beaucoup prier pour démontrer que cette question de prépondérance était la seule qui ressortît bien distincte des luttes acharnées que se sont livrées catholiques et libéraux dans les derniers dix-sept ans. Pour notre part, nous n’avons jamais tenu ici un autre langage. La meilleure preuve que les théories politiques qui se sont disputé le terrain jusqu’en 1848 étaient bien moins, de part et d’autre, un principe qu’un expédient et une machine de guerre, c’est que chaque parti a tour à tour abandonné les siennes pour prendre celles du parti opposé. Les catholiques ont prêché le radicalisme tant qu’ils ont cru pouvoir s’appuyer sur les masses ; mais, dès que les masses leur ont fait défaut, ils ont prôné la doctrine opposée. Les libéraux ne se sont pas montrés plus logiques. Sous la pression d’intérêts inverses, ils ont fini par le radicalisme après avoir débuté par la centralisation. Pure question de prépondérance encore une fois ; mais, si incontestable que soit le fait, il y a pour un catholique certain mérite à le reconnaître. En 1841, un ancien ministre libéral, M. Devaux, essaya de poser de la même façon le débat dans la Revue nationale, et nous nous souvenons encore des anathèmes furieux que le parti catholique lança contre l’imprudent. C’était bien de prépondérance qu’il s’agissait, au dire des catholiques ! La lutte n’admettait pas de transactions sacrilèges ; c’était un duel à mort entre le principe de moralité et de conservation, dont les démagogues néo-chrétiens de 1831 s’attribuaient modestement le monopole, et le principe d’iniquité et de terrorisme, représenté par MM. Devaux, Lebeau, Rogier et autres justes-milieux, qui ne s’en doutaient pas. « Il faut vaincre les libéraux en masse ! » tel est le cri de guerre qui répondit

  1. Bruxelles, 1848.