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Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 24.djvu/884

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La note du 8 octobre, dernier acte diplomatique du ministère de M. Thiers, point de départ de la politique du cabinet formé le 29 octobre sous la présidence de M. le maréchal duc de Dalmatie, rendait la situation générale de l’Europe sinon moins grave, au moins plus simple. La note du 8 octobre avait été en quelque sorte l’ultimatum de la diplomatie française ; elle n’avait pas écarté toutes les chances de guerre, mais elle les avait fort diminuées. D’une part, en prenant sous sa protection exclusive les droits du pacha à la possession de l’Égypte, le gouvernement français avait à peu près implicitement abandonné le sort de la Syrie ; d’autre part, en désapprouvant le décret de déchéance lancé par la Porte contre son vassal, les cours alliées avaient manifesté leur répugnance à poursuivre la puissance de Méhémet-Ali jusque dans Alexandrie. Une collision était donc moins imminente et le champ des aventures plus rétréci. Il ne faudrait pas croire cependant que toutes les occasions de conflit eussent disparu, et que le nouveau ministre des affaires étrangères n’eût pas besoin de déployer quelque fermeté pour maintenir la position qu’il avait prise. « Les événemens ont été trop vite, disait M. de Bulow à M. de Bourqueney dès le 13 novembre, ma mission de conciliation a échoué en Syrie avant de commencer à Londres[1]. » - « La Syrie est perdue, inévitablement perdue pour le pacha, écrivait M. de Metternich à M. de Neumann, chargé d’affaires d’Autriche à Londres ; ne laissons aucune illusion à la France. C’est de l’Égypte et de l’Égypte seule qu’il s’agit aujourd’hui ; que Méhémet-Ali se soumette sans retard, ou la question d’Égypte est soulevée. »

En effet, c’était seulement en inquiétant le pacha sur le sort de ses possessions d’Égypte que les cours alliées pouvaient vaincre sa résistance. Mais la France avait fait du maintien du pacha en Égypte une condition de la durée de la paix, et les quatre puissances avaient annoncé elles-mêmes l’intention de lui réserver la possession des contrées sur lesquelles sa longue et habile administration lui avait créé des droits irrécusables. Le moment était venu où, des deux côtés, cette résolution allait être mise à l’épreuve. Le langage de l’agent français à Londres ne se départit pas un instant des termes de la note du 8 octobre. « Je dis très haut et très ferme, écrivait M. de Bourqueney, que le traité de juillet n’a pas mis l’Égypte en question ; qu’il en faudrait un nouveau pour cela, et que c’est assez d’un seul traité conclu sans la France. » Une occasion naturelle se présenta de faire entendre cette déclaration à lord Palmerston lui-même. Le ministre anglais avait dit dans une conversation sur les événemens du moment que, si le pacha persistait dans sa résistance, s’il refusait de renvoyer la flotte turque,

  1. Dépêche de M. de Bourqueney, chargé d’affaires de France à Londres, 13 novembre 1840.