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Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 3.djvu/464

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REVUE DES DEUX MONDES.

LE MINISTRE DE LA JUSTICE.

Je donne ma démission.

LE CONSUL.

Je l’accepte. (Le ministre de la justice sort.)


IX.


LE MINISTRE DE L’INTÉRIEUR.

Citoyens, nous faisons une grande expérience. Pour ne rien se dissimuler, elle a ses résultats douteux et ses côtés effrayans. Si nous n’avions pas vu de nos yeux combien toute autre forme de gouvernement est devenue impossible, nous pourrions douter que la nation fût mûre pour la république sociale ; mais loin de moi ce doute impie ! En somme, au milieu de ces convulsions, la vieille société se dissout jusque dans les principes faux et menteurs sur lesquels elle était basée. La famille, la propriété, ne sont plus que des mots, la religion est à peine un souvenir. Voilà ce que nous avons gagné. À côté de ces avantages, de ces gains réels, se présente un péril : le désordre est partout ; partout il est au comble. Il faut le vaincre par la force et au besoin par la terreur. Personne ne veut travailler, personne ne veut obéir ; l’action du gouvernement est nulle, même dans les parties les plus socialistes du territoire. Il importe de supprimer au plus vite toute espèce de publication, d’interdire toute espèce de réunion, de défendre le séjour des villes aux habitans des campagnes, de couper toute communication entre les bourgeois et les paysans. En un mot, la liberté de locomotion doit être suspendue, sauf pour les besoins reconnus essentiels. En outre, il conviendrait d’appliquer immédiatement à l’agriculture le système de surveillance proposé pour l’industrie. Si nous ne rétablissons pas la paix dans les campagnes, nous périrons par la famine avant peu. Rien de plus certain.

LE CONSUL.

Mais comment rétablir la paix ? Voilà le problème.

LE MINISTRE DE L’INTÉRIEUR.

Il faut partout organiser tous les bons citoyens en garde nationale mobile, infanterie, cavalerie et artillerie. Cette garde nationale, divisée dans chaque district en autant de détachemens que la nécessité l’exigera, parcourra sans relâche le territoire où elle devra faire régner le travail et la paix. Tout paysan qui ne travaillera pas sera puni des peines les plus sévères, tout terrain en friche sera confisqué, et devra être cultivé par l’ancien propriétaire au profit du trésor public.

LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES.

Et comment vivra ta garde nationale ?

LE MINISTRE DE l’INTÉRIEUR.

Elle sera entretenue et soldée par les habitans dont elle protégera le travail et dont elle garantira la sécurité.

LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES.

C’est le régime turc avec beaucoup d’aggravations.

LE MINISTRE DE L’INTÉRIEUR.

Turc ou maure, nul autre régime ne peut mettre en sûreté les précieuses conquêtes de la révolution démocratique et sociale.