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Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 3.djvu/595

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M. Préault ! On a surnommé M. Préault le Delacroix de la sculpture ; cette expression n’est juste qu’à demi. M. Delacroix et M. Préault font laid tous les deux ; mais le premier rachète ce défaut volontaire auquel il semble s’être voué par des qualités particulières à l’art de peindre, que le plus grand talent de ciseau ne parviendra jamais à transporter dans la statuaire. C’est pourtant la prétention de M. Préault d’obtenir des effets incompatibles avec les conditions et les moyens restreints de son art, qui se propose exclusivement la beauté des lignes et l’harmonie des formes. Or dans la sculpture l’expression des passions, ne pouvant être rendue par la prunelle inerte du marbre ou de l’airain, nécessite l’emploi de mouvemens violens et de gestes exagérés qui rompent, cette harmonie et détruisent la beauté. On peut là-dessus s’en rapporter aux anciens : les sculpteurs de la grande époque grecque et les maîtres fameux de la renaissance, Donatello, Ghiberti, Michel-Ange, ont constamment recherché dans leurs ouvrages le calme des attitudes comme condition indispensable du beau. Les colosses et les bas-reliefs du Parthénon, la Vénus de Milo, les portes du baptistère de Florence, les sculptures du tombeau des Médicis, en sont d’immortels exemples, et il n’est théorie spécieuse ni paradoxe qui puise prévaloir contre de pareilles autorités.

Les autres morceaux de M. Préault sont conçus et exécutés dans le même système que son Christ. La Douleur, statuette en bronze, est représentée par une femme cachant sa tête sous ses bras et tordant son corps d’une façon si outrée, qu’il faut y regarder long-temps pour reconnaître ce qu’on voit. Deux cadres de médailles contiennent des profils en bronze qui ne justifient même pas l’incohérence des lignes par la nécessité d’une expression voulue. Tout devient tourmenté et contourné sous l’ébauchoir de M. Préault, et la vue de ses portraits porterait à croire qu’il a tout simplement érigé en système une infirmité de sa nature. Ces critiques adressées à M. Préault ne sont pourtant pas absolues, et il serait injuste d’y comprendre son Masque funéraire, figure saisissante et terrible qui entr’ouvre son linceul, et, l’œil vide, posant un doigt décharné sur sa bouche immobile, semble retenir le secret de la tombe près de s’échapper.

Aux ébauches effrénées de M. Préault, la Pénélope de M. Cavelier forme un heureux et doux contraste. Ce bel ouvrage suffirait à prouver qu’à notre époque la statuaire a conservé sur la peinture une grande supériorité relative, et, si nous le comparons à beaucoup d’œuvres vantées, nous n’aurons pas lieu d’être humiliés du rapprochement. Depuis le retour aux traditions de l’antique, la sculpture moderne n’a rien produit d’un goût plus pur que cette composition. Pénélope, lassée de son labeur de chaque nuit, se laisse gagner au sommeil, qui l’incline peu à peu sur son siège ; sa tête alourdie se penche sur son