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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 5.djvu/1082

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roi Géryon, qui, pour immortaliser le souvenir de son renne, fait bâtir deux villes puissantes : Gironne au nord, Cadix au midi ; mais ce souverain, oubliant qu’un roi ne doit être que le père de ses sujets, veut régner en tyran sur les Euskariens. Ceux-ci se révoltent ; Osyris, roi d’Égypte, leur prête l’appui de ses armes ; Géryon est défait et tué dans les champs de Tarifa, non loin du détroit de Gibraltar. Ses trois fils lui succèdent ; mais, trop semblables à leur père, ils font assassiner Osyris par Typhon. Orus, l’Hercule libyen, accourt du fond de la Scythie, les appelle en combat singulier, les tue, et, comme monumens de sa victoire, élève les deux célèbres colonnes qui portent son nom. Deux compagnons d’armes d’Hercule, Hispale et Atlante, se succèdent sur le trône d’Espagne. Sicule, fils du dernier, règne à la fois sur ce pays et sur l’Italie, comprime la Sicile et le peuple d’Euskarie. Apres Sicule ; la race de Tarsis ressaisit le pouvoir, jusqu’au moment où Abidès, le grand législateur, renonce volontairement au trône, et organise l’Ibérie en une vaste république fédérative, 1014 ans avant la fondation de Rome. D’Abidès ou de ses contemporains sont descendus tous les ducs ou chefs des républiques fédérées, tous les héros dont s’enorgueillit l’Espagne, et en particulier Pélage et ses compagnons. Ainsi, de nos jours encore, la nation espagnole est gouvernée par une famille euskarienne ou, basque, et la reine Isabelle descend en ligne directe de Tarsis et de Noé[1].

On le voit, jusqu’à ce jour les historiens basques ont écrit sous l’empire de préoccupations qui ne permettent guère d’accepter leurs idées. Ce fait est d’autant plus regrettable, qu’en secouant les préjugés d’un faux orgueil national, leurs recherches auraient certainement conduit à des découvertes curieuses. Au milieu même de leurs exagérations, on peut dégager un résultat important. On trouve dans la langue euskara l’étymologie d’un grand nombre de noms de fleuves, de montagnes, de provinces, de localités où n’existe plus la race basque[2].

  1. L’abbé d’Hiarce rattache la généalogie de Pélage à un certain Lopez Ier, qui, aurait vécu du temps d’Auguste. Il va sans dire qu’il manque à notre auteur bien des intermédiaires soit avant, soit après cette époque, mais il n’en formule pas moins ses conclusions avec la plus entière assurance. Au reste, l’opinion de M. d’Avezac, que nous avons rapportée plus haut, s’applique à ces prétendues traditions historiques aussi bien qu’à ce qu’on nous raconte des anciennes légendes religieuses. Les Basques n’ont presque rien écrit. Le plus ancien monument national de leur histoire parait être une espèce de ballade où il est fait allusion aux guerres contre les Romains, et dont G. de Humboldt a imprimé quelques couplets. Un autre chant sur la bataille de Roncevaux a été publié en 1834. (D’Avezac, Encyclopédie nouvelle, article Basques.)
  2. Larramendi, Astarloa, de Erro, l’abbé d’Hiarce… Ces auteurs ont cependant donné à leurs systèmes étymologiques une extension exagérée. Ils ont voulu, par exemple, que les noms de Suède, de Norwége, de Danemark, ainsi que ceux d’Hélicon, de Chypre, de Délos, etc., fussent des noms primitivement basques. Ils ont étendu la même prétention aux noms de Lutèce, de Versailles, d’Orléans et d’Arras, etc. La conclusion naturelle de toutes ces étymologies forcées est toujours que les Basques sont la race primitive, et que l’Europe entière a été peuplée par eux.