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qui déjà, en 1844, s’était prononcé contre l’annexion du Texas, et qui passait avec raison pour peu favorable à l’extension de l’esclavage. Le fils même de l’ancien président, John Van Buren, l’orateur le plus éloquent et le plus populaire des démocrates dans le New-York, fut un des premiers de son parti à se prononcer pour la liberté du sol, et bientôt une scission s’opéra à New-York dans le parti démocratique. Une fraction voulut demeurer fidèle à la vieille alliance des démocrates du nord avec les états à esclaves, et reçut le nom de old hunkers, tandis qu’elle appliquait aux dissidens l’épithète de barnburners (brûleurs de granges), que les propriétaires d’esclaves donnent à tout abolitioniste. La gravité de cette scission, long-temps inaperçue, ne s’est révélée qu’au moment de la dernière élection présidentielle. Lorsqu’il s’agit de nommer des délégués à la réunion générale où devait être choisi le candidat du parti démocratique, on vit avec étonnement les démocrates de l’état de New-York former simultanément deux assemblées et envoyer à la réunion de Baltimore deux députations rivales. Après de longs pourparlers et de vaines tentatives de conciliation, la députation des old hunkers fut admise à siéger, et celle des barnburners se retira en protestant. Bientôt après on apprit qu’une convention abolitioniste était convoquée à Utica, dans l’état de New-York ; des représentans de tous les états du nord y assistèrent, des hommes de tous les partis, des whigs aussi bien que des démocrates, y prirent la parole en présence de plusieurs milliers de personnes qui remplissaient l’église où avaient lieu les délibérations de la convention, et Martin Van Buren fut proclamé à l’unanimité candidat des free-soilers à la présidence des États-Unis. M. Van Buren accepta, et cette acceptation ajouta encore à l’importance considérable qu’avait acquise la manifestation du parti de la liberté du sol. Une pareille détermination, prise par un homme qui passe à bon droit pour un des politiques les plus consommés des États-Unis, qui a été plusieurs fois gouverneur de l’état de New-York, qui a été vice-président et président des États-Unis, et qui avait à sauvegarder sa réputation d’habileté et sa dignité personnelle, prouvait clairement qu’à ses yeux le parti de la liberté du sol avait acquis assez de consistance et de force pour qu’il pût, sans se compromettre, unir sa destinée à la sienne. La candidature de l’abolitioniste Birney, en 1844, n’avait pu réunir qu’un nombre de voix insignifiant ; celle de M. Van Buren était autrement sérieuse, car on craignit un moment qu’elle ne divisât suffisamment les voix pour remettre au congrès la désignation du président. Il n’en fut point ainsi : la glorieuse popularité du général Taylor emporta l’élection, en lui ralliant les masses populaires sans distinction d’opinions ; mais la minorité obtenue par M. Van Buren fut considérable : dans le Massachusets même, l’état persévérant et fidèle qui n’a jamais varié dans la foi whig, M. Van Buren, tout ancien démocrate