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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 5.djvu/1127

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cabinets toute la liberté de leur action en un mot par une attitude hautement et systématiquement pacifique.

Si l’on suit avec attention la conduite du cabinet de Saint-Pétersbourg depuis la révolution de février, à côté d’actes conçus dans l’esprit ancien de la politique russe, tels que l’occupation des principautés du Danube et la demande d’extradition adressée au sultan, on remarquera d’autres actes qui portent l’empreinte d’un esprit différent, et semblent révéler des intentions plus conciliantes. L’évacuation de la Hongrie dès le lendemain de la dernière bataille, les concessions récentes faites à la Turquie sont des symptômes d’un genre nouveau. Le gouvernement russe prend un visage moins menaçant pour l’Occident et l’Orient à la fois.

Il est clair que la Russie ne songe point à s’étendre du côté de l’Occident. Elle eu aurait trouvé l’occasion avant février, lorsque les tristes événemens de la Gallicie amenèrent la confiscation de la république cracovienne. La Russie aurait pu tout ainsi facilement adjoindre ce petit état au royaume de Pologne que l’adjuger à l’Autriche. Que l’on se rappelle à quel degré le gouvernement autrichien et toute la bureaucratie allemande étaient devenus impopulaires en Gallicie à la suite du massacre des deux mille nobles Polonais ; que l’on se souvienne des sentimens panslavistes qui éclataient dans la Lettre d’un gentilhomme polonais à M. de Metternich ; n’est-il pas vrai que la Russie eût pu profiter d’une si belle occasion pour exploiter la haine du germanisme et jeter en Gallicie les bases d’une prochaine conquête ? Enfin, en présence du désarroi où l’Autriche s’est un moment trouvée, n’est-il pas manifeste que la Russie aurait pu exiger, comme prix de ses services, quelque concession territoriale qui eût arrondi favorablement sa frontière de l’ouest ? Dans quel intérêt d’ailleurs la Russie chercherait-elle à s’agrandir de ce côté ? Pour unir aux populations polonaises déjà si difficiles à contenir les populations de Posen et de la Gallicie imbues de l’esprit du jour ? Pour concentrer en un seul et unique foyer les ressentimens et l’action de la Pologne sous l’influence des pensées de socialisme qui se sont enracinées dans le cœur des paysans de la Gallicie ? Ces pays ne sont-ils pas rongés par la misère ? Le gain compenserait-il le péril ? Aussi l’annexion de Posen et de la Gallicie à l’empire russe fût-elle aujourd’hui facile, n’y eût-il qu’à menacer pour l’obtenir, la Russie se sentirait retenue par les considérations de la plus vulgaire prudence. Elle a montré, sous ce rapport, ses intentions à l’Europe en quittant la Hongrie avec toute la promptitude imaginable ; afin de jeter plus de lumière sur cette résolution, elle est pleine de ménagemens avec l’Autriche, et en tout elle évite de peser trop directement sur la politique du cabinet de Vienne.

Que la Russie soit également désintéressée du côté de l’Orient, il est