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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 5.djvu/138

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que des embûches d’un ennemi hypocrite. Eh bien ! cette situation, cette réciprocité de mauvais sentimens, détestable et démoralisante partout et toujours, est encore grandement envenimée ici par le caractère particulièrement sacré du pouvoir et par la nature tout exceptionnelle de ses rapports avec ses sujets ; car, encore une fois, dans la situation donnée et sur la pente où l’on se trouve placé, non-seulement par la passion des hommes, mais par la force même des choses, toute concession, toute réforme, pour peu qu’elle soit sincère et sérieuse, pousse infailliblement l’état romain vers une sécularisation complète. La sécularisation, nul n’en doute, est le dernier mot de la situation, et cependant le pape, sans droit pour l’accorder même dans les temps ordinaires, puisque la souveraineté temporelle n’est pas son bien, mais celui de l’église de Rome, pourrait bien moins encore y consentir maintenant qu’il a la certitude que cette sécularisation, lors même qu’elle serait accordée à des nécessités réelles, tournerait en définitive au profit des ennemis jurés, non pas de son pouvoir seulement, mais de l’église elle-même. Y consentir, ce serait se rendre coupable d’apostasie et de trahison tout à la fois. Voilà pour le pouvoir. Pour ce qui est des sujets, il est clair que cette antipathie invétérée contre la domination des prêtres, qui constitue tout l’esprit public de la population romaine, n’aura pas diminué par suite des derniers événemens ; et si, d’une part, une pareille disposition des esprits suffit à elle seule pour faire avorter les réformes les plus généreuses et les plus loyales, d’autre part, l’insuccès de ces réformes ne peut qu’ajouter infiniment à l’irritation générale, confirmer l’opinion dans sa haine pour l’autorité restaurée, et recruter pour l’ennemi.

Voilà, certes, une situation vraiment déplorable et qui a tous les caractères d’un châtiment providentiel ; car, pour un prêtre chrétien, quel plus grand malheur peut-on imaginer que celui de se voir ainsi fatalement investi d’un pouvoir qu’il ne peut exercer qu’au détriment des ames et pour la ruine de la religion ? Non, en vérité, cette situation est trop violente, trop contre nature pour pouvoir se prolonger. Châtiment ou épreuve, il est impossible que la papauté reste long-temps encore enfermée dans ce cercle de feu, sans que Dieu, dans sa miséricorde, lui vienne en aide et lui ouvre une voie, une issue merveilleuse, éclatante, inattendue, ou, disons, mieux, attendue depuis des siècles. Peut-être en est-elle séparée encore, elle et l’église soumise à ses lois, par bien des tribulations et bien des désastres ; peut-être n’est-elle encore qu’à l’entrée de ces temps calamiteux. En effet, ce ne sera pas une petite flamme, ce ne sera pas un incendie de quelques heures que celui qui, en dévorant et réduisant en cendres des siècles entiers de préoccupations mondaines et d’inimitiés anti-chrétiennes, fera enfin crouler devant elle cette fatale barrière qui lui cachait l’issue désirée.