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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 5.djvu/175

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tement. Les propriétaires récoltans sont exempts de ce droit pour les vins qu’ils consomment dans le rayon fixé par la loi ; ils ont seulement à acquitter, pour chaque transport, un droit d’expédition de 25 centimes. Après le droit de circulation vient le droit d’entrée, qui se perçoit à l’entrée dans les communes ayant quatre mille ames et plus. Ce droit est également réglé d’après une classification des départemens et en outre d’après le chiffre de la population des villes. En troisième lieu, il y a le droit de détail, qui se perçoit sur les débitans après la vente. Ce droit est de 10 pour 100. Comme il faut une surveillance rigoureuse pour en assurer la perception, les débitans sont continuellement soumis aux visites des employés de la régie, qui inscrivent en compte les quantités reçues et les quantités vendues. Toutefois, la loi donne aux débitans la faculté de se soustraire à l’exercice, soit en souscrivant un abonnement, soit en payant, à l’arrivée, une taxe de consommation. Enfin, il y a le droit de licence, taxe prélevée sur le commerce des boissons, et qui n’a qu’une importance secondaire dans le débat.

Tel est le système général de l’impôt. Maintenant, pour apprécier les attaques qui sont dirigées contre cet impôt, voyons les faits.

Parlons d’abord des producteurs. À entendre M. Mauguin, le seul habile défenseur de l’agitation vinicole, les producteurs sont écrasés, ruinés par la législation sur les boissons. Que répondent les documens officiels ? Nous ouvrons l’excellent rapport de M. Rocher, et nous y voyons que la culture de la vigne n’a pas cessé de s’étendre depuis un demi-siècle. En 1788, le nombre d’hectares consacrés à la vigne était de 1,555,400 ; en 1830, il était de 1,993,300 ; il est aujourd’hui de 2,137,000, et la production s’est naturellement accrue en proportion de la culture. Voilà, certes, des chiffres qui parlent d’eux-mêmes, et l’on a beau être un homme fort spirituel, c’est une tâche bien difficile d’avoir à démontrer, devant un auditoire sérieux, qu’une industrie qui double ses profits en cinquante ans est une industrie qui souffre, et qu’une législation sous l’empire de laquelle la propriété vinicole a augmenté de 300,000 hectares depuis vingt ans est une législation ruineuse pour les propriétaires de vignes.

Sans doute, il y a des producteurs qui se ruinent, il y a des localités qui souffrent, personne ne dit le contraire ; mais ces souffrances, d’où viennent-elles ? Est-ce la faute de l’impôt si toutes les années ne se ressemblent pas, si les récoltes sont variables, si les temps d’abondance sont suivis de temps de disette, et s’il en résulte des variations fréquentes dans les prix, source de mécomptes pour les propriétaires de vignes ? Il y a de la loterie dans le revenu de toutes les propriétés. La terre donne tantôt plus et tantôt moins, les maisons urbaines tantôt se louent bien et tantôt se louent mal ; mais nous avouons volontiers que de toutes les productions de la terre la vigne est la plus capricieuse : tantôt grande fécondité et bonne qualité, tantôt petite quantité et mauvaise qualité ; rarement les vendanges se ressemblent, et c’est ce qui fait qu’il y a plus de loterie dans le revenu des vignobles que dans celui des autres propriétés rurales. Cependant ne croyez pas que le propriétaire de vignes règle sa dépense sur le revenu moyen de la vigne : non, il est tenté de prendre pour taux de son revenu le profit des belles années, et cela est si vrai, que même le langage des vignerons se conforme à ce penchant naturel du cœur humain.