Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 5.djvu/196

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

après leur théâtre, c’est dans ce genre que la crise littéraire dont j’ai parlé plus haut a laissé les traces les plus profondes. L’école descriptive, naturalisée au-delà des Pyrénées par les romans anglais et français, est venue se confondre ici avec la tradition nationale. Les personnages de la nouvelle littérature picaresque parlent, vivent, s’agitent bien moins que ceux d’autrefois ; mais ils posent beaucoup plus long temps devant l’auteur, qui ne se contente plus de cet énergique coup de crayon avec lequel les grands satiriques espagnols du XVIe siècle fixaient leurs plus vigoureux profils. C’est toujours, si l’on veut, l’ancien esprit d’observation, mais un peu délayé, et rachetant par certaine mollesse de dessin ce qu’il gagne en minutieuse exactitude. M. L. Corsini nous paraît résumer assez fidèlement ce genre bâtard, bien que remarquable encore. Je défierais, par exemple, daguerréotypeur ou marchande à la toilette de saisir plus finement que ne l’a fait l’auteur des Mansardes de Madrid[1] le minois de ses grisettes et les secrets de leur rieuse pauvreté, depuis les bas blancs troués à la pointe jusqu’aux pelures d’orange qui trahissent, dans un coin, le sobre dîner de la veille, et jusqu’à l’huile de ménage dont reluisent, faute de mieux, ces admirables chevelures de jais ou d’or qui seraient dignes de moins économiques parfums. M. Corsini pousse même un peu trop loin la fidélité dans ses études de femme. Les draperies y sont trop disposées de façon à accuser ce qu’elles voilent. Ce n’est pas du nu, c’est du déshabillé, qui est infiniment plus nu. M. Corsini mettrait volontiers un cotillon à la Vénus de Milo pour lui donner du piquant. J’insiste à dessein : l’auteur des Mansardes de Madrid est assez fort de ses propres ressources pour pouvoir dédaigner ce vulgaire procédé des succès de bas étage. J’ajouterai un autre reproche. Les Mansardes de Madrid ont le grand tort de pouvoir s’appeler, à la rigueur, les Mansardes de Paris. Les grisettes de M. Corsini ne seraient pas trop dépaysées dans la rue Vivienne. Son grand homme futur semble avoir fumé des cigares avec tous nos bohémiens politiques et littéraires. Ses voleurs ne diffèrent guère que par l’argot des voleurs de Paris. Ses trois types de courtisanes enfin, la courtisane par métier, la courtisane par tempérament et la courtisane par dévouement, ont quelque peu traîné, ce nous semble, dans les romans socialistes qui, il y a cinq ou six ans, ont introduit ces dames dans l’intimité de nos femmes et de nos sœurs. Madrid n’a-t-il donc pas vingt types plus indigènes et sentant mieux leur terroir ? Nul ne pourrait mieux les saisir que M. Corsini, car la partie de son livre où il prend la peine d’être original, c’est-à-dire Espagnol, pétille d’entrain, de finesse et de douce moquerie.


G. D’ALAUX.


Polémique religieuse en Hollande. — Quoique l’on parle peu de la Hollande, cela ne signifie point qu’il n’y ait rien à en dire. On ignore en général ce qui se fait et ce qui se dit dans ce sérieux pays. Voilà l’unique raison du silence que l’on garde à son sujet. C’est notre faute et non la sienne.

Parmi les questions nombreuses et graves qui l’ont préoccupé durant les

  1. Las Guardillas de Madrid ; Madrid, 1849. Imprimerie de Higinio Reneses.