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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 5.djvu/373

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y apportent naturellement leurs préférences et leurs passions. La politique s’en ressent, et elle en reçoit le contre-coup. Voilà ce qui explique pour nous le rapport de M. de Luynes. Ce sera la première fois de sa vie que M. de Luynes aura manqué aux devoirs de la charité, mais aussi, dans cette circonstance, comment aurait-il pu résister à la tentation ? M. de Luynes n’est pas seulement un protecteur éclairé des arts, il est artiste lui-même et homme de goût. Comme artiste, il avait conçu l’exécution du tombeau de l’empereur d’une certaine manière. Il avait son plan ; l’administration a gardé le sien. De là une irritation que nous trouvons bien excusable. En fait d’art, on n’abandonne pas facilement ses convictions, et M. de Luynes ne pouvait point pardonner à la division des beaux-arts de lui avoir gâté son monument.

Nous n’irons pas plus loin sur cette affaire. S’il s’agit d’une querelle d’artistes, nous déclinons notre compétence. L’ancienne administration des beaux-arts aura à s’entendre avec ses architectes pour démontrer que les crédits alloués n’étaient pas suffisans, que les plans primitifs ne répondaient pas à la grandeur de l’œuvre qu’on s’était proposée, qu’il a fallu les modifier, et qu’à l’exception de certaines erreurs dont tout le monde doit s’empresser de convenir, les modifications faites méritent d’être approuvées. Les adversaires auront à démontrer que les crédits suffisaient, qu’il n’était pas nécessaire de modifier les plans, que l’on est tombé dans des prodigalités inutiles, et, entre autres choses, qu’on aurait pu se dispenser de substituer des marbres de Carrare aux marbres de l’Isère, du marbre plein au marbre plaqué, et des colonnes de marbre à des colonnes de bois doré. Du bois doré pour des colonnes torses de quarante-cinq pieds de haut ! cela, en effet, nous semble avoir été peu réfléchi dans le principe, et si l’administration des beaux-arts a voulu du marbre, nous ne voyons pas qu’elle ait commis un si grand crime. Du reste, c’est affaire de goût, c’est une question d’art, nous n’y touchons pas. S’il s’agit d’une question politique, le bon sens public saura apprécier selon leur valeur les attaques rétrospectives que la commission, à notre grande surprise, a cru devoir diriger contre l’administration du dernier règne. De pareilles attaques, aujourd’hui, sont un anachronisme. L’administration, sous la monarchie, se laissait trop facilement accuser ; c’était son tort. Elle pensait que son honneur n’était pas à la merci des faiseurs de libelles et de pamphlets. Elle comptait sur la sagesse et sur l’intelligence de l’opinion ; fatale erreur ! la calomnie a été plus forte que la vérité. Un jour est arrivé où cette même administration, insultée chaque matin dans les journaux, a comparu sans défense devant ses adversaires. Tous ses papiers, tous ses secrets, sont tombés entre les mains de ses accusateurs eux-mêmes. Eh bien ! qu’ont-ils trouvé ? qu’ont-ils vu ? quelle fraude, quelle malversation ont-ils découvertes ? quel administrateur a été mis en cause ?

À propos de cette question du tombeau, on a parlé d’un rapport de la cour des comptes. On devrait savoir d’abord que la cour des comptes n’a pu être chargée de faire un rapport sur des dépenses qui n’ont pas encore été payées. La cour des comptes, son nom l’indique, juge des comptes et n’a pas à se prononcer sur des demandes de crédits. Cela regarde la législature. L’erreur commise à cet égard vient de ce qu’en effet plusieurs membres de la cour des