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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 5.djvu/400

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à proprement parler, et voilà pourquoi il lui est possible de gouverner. Ce n’est pas une classe, c’est une collection d’hommes de toutes les professions, de toutes les origines ; c’est une collection d’individus. Ce n’est pas une classe enchaînée par la solidarité de la naissance, immuable par son origine, réunie par les mêmes intérêts. Les classes moyennes sont l’addition de tous les hommes qui, par leurs efforts et par leur initiative individuelle, sont parvenus à se dégager des entraves de la nécessité. La bourgeoisie peut donc jouer un rôle politique, elle peut prendre part à la vie politique, parce qu’elle n’est qu’un composé d’individus ; mais au-delà des classes moyennes, qui représentent ce qu’il y a de plus intelligent et de plus excellent au sein des masses populaires, nous déclarons qu’il n’y a rien ; car, si les individus sortis de ces masses obscures peuvent gouverner et prendre part à la vie publique, les masses elles-mêmes ne le peuvent pas.

Reste donc le socialisme. Nous devons rendre cette justice aux véritables chefs du socialisme, à Saint-Simon, à Fourier, à M. Proudhon, qu’ils n’ont jamais cru que la prépondérance des masses démocratiques fût le moyen d’apaiser la tempête. Le seul moyen, disent-ils, de terminer la révolution, c’est de l’organiser : c’est en cela que se résume tout leur système ; mais la révolution est ingouvernable, l’organiser est une véritable chimère. On n’organise pas la destruction. Le socialisme échouera comme tous les autres partis ; il échoue déjà. En effet, des symptômes sinistres commencent à nous apprendre que les masses démocratiques sont aussi dégoûtées du socialisme que de tous les autres systèmes. Les épouvantables rêves du socialisme commencent à se dissiper devant cette terrible réalité de la révolution ; ils ne sont déjà plus que comme des brouillards qui naissent d’un océan plein de tempêtes. L’esprit révolutionnaire passera sur le socialisme, comme il passe déjà sur la démocratie.

À quelles épreuves sommes-nous donc destinés, tous tant que nous sommes ? Dieu seul le sait. Ah ! lorsque nous nous plaçons à une certaine hauteur, lorsque nous voyons la marche du temps du haut d’une indifférente élévation, alors un sentiment de concorde, de pitié, et de pardon s’éveille dans notre cœur. Nous plaignons sincèrement nos amis et nos ennemis, ceux qui s’intitulent absolutistes et constitutionnels, ceux qui s’intitulent démocrates et socialistes. C’est entre nous, après tout, qu’est la lutte. Nous différons grandement sur les moyens, mais, au fond, il n’y a qu’une pensée chez les meilleurs et les plus purs d’entre nous tous : finir la révolution. C’est entre nous, bourgeois et aristocrates, qu’est la lutte ; elle n’est pas ailleurs. Nous sommes bien quelque cent mille individus en France qui formons ce qu’on appelle les partis, le reste de la nation s’en soucie peu. Et au-dessous de nous souffle sans cesse l’esprit révolutionnaire qui nous absorbe tous. Et