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à 25,000 individus par an. C’est presque le huitième de la population proportion énorme, en ce sens que Madrid n’a pas cette population flottante d’ouvriers qui, dans nos grandes villes, absorbe à elle seule presque tout le budget de l’assistance publique. Outre ces établissemens de charité, Madrid en possède environ vingt autres, dotés ou dirigés par des associations particulières, et qui secourent 4 ou 5,000 autres individus. Tout conspire, en un mot, à soustraire les classes inférieures de Madrid aux mauvais conseils de la pauvreté, si nombreux et si poignans autour de la classe moyenne.

Les 656 crimes ou délits qui sont jugés annuellement à Madrid ne correspondent qu’à 1,065 accusés ou prévenus. Il faut en conclure que les crimes ou délits concertés, qui seuls dénotent une perversité systématique, sont proportionnellement peu nombreux à Madrid. Les femmes figurent sur la totalité des accusés ou prévenus pour plus d’un sixième, et ce n’est pas là le seul manque de galanterie que se permette à leur égard la statistique. Les célibataires, déduction faite de ceux qui ne sont pas encore d’âge à se marier, figurent sur le total des accusations et des préventions dans une proportion moindre que les mariés. Si le mariage n’est pas à Madrid un préservatif moral, c’est en revanche une excellente précaution hygiénique. À l’exception de deux célibataires obstinés qu’on voit, en 1846, atteindre l’un cent cinq ans, l’autre cent sept, c’est dans l’arche sainte du mariage que se réfugient tous les exemples de longévité exceptionnelle. Les hommes se lassent, du reste, plus tôt que les femmes de ce long duo. Nous trouvons dans le relevé total de la population madrilègne 15,175 veuves et rien que 5,571 veufs, de sorte que les dames de Madrid ont près de trois chances contre une de commander l’épitaphe de leurs époux. Les femmes ne cèdent, sous ce rapport, le pas aux hommes que de trente à quarante ans ; passé cette période, les chances relatives de la mortalité s’accroissent tellement pour les hommes, que, de quatre-vingts à cent ans, elle est double. Ces chances ne tendent à s’équilibrer pour les deux sexes qu’après cent ans : c’est bien la peine ! Encore est-ce à trois femmes que revient l’honneur de tirer l’échelle : deux vers cent huit, une vers cent dix ans.


IV

J’ai dû me hâter de saisir les traits les plus caractéristiques de la physionomie de Madrid, car cette physionomie, je l’ai dit plus haut, tend à s’effacer. Quelques années encore, et sa triple originalité aura en partie disparu sous l’uniforme badigeon où se confondent déjà les aspects moraux, politiques et matériels de la plupart des capitales européennes.