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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 5.djvu/485

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quoi peut-on menacer la diète ? On ne peut la menacer que d’une seule chose, de lui retirer la garantie de la neutralité, et cela dans un seul cas, celui où la division de la Suisse en vingt-deux cantons disparaîtrait pour faire place à une république unitaire. Ce cas n’existe que dans les appréhensions de M. de Metternich. Cette menace n’est pas de nature à effrayer des hommes qui se promettraient de bouleverser toute l’Europe.

« J’ai fait observer à lord Palmerston que la proposition de M. de Metternich paraissait avoir une tout autre portée, qu’elle menaçait la Suisse d’une intervention armée que nous voulions prévenir avant tout. Nous n’admettrions la pensée d’une semblable mesure que sous l’empire de circonstances extrêmes, et dont nous n’avons pas, quant à présent, à prévoir la possibilité. Il faudrait, pour la justifier à nos yeux, que la tranquillité des états voisins fût sérieusement compromise, ou que l’humanité nous fit un devoir de venir au secours du pays lui-même, ravagé par la guerre civile, Telle est notre volonté individuelle. Mais si, la diète ne tenant aucun compte des menaces de l’Autriche, le cabinet de Vienne met ses menaces à exécution, et entraîne par son exemple la Sardaigne, Bade et le Wurtemberg, nous ne pouvons rester seuls inactifs. C’est pour prévenir une pareille éventualité que le gouvernement du roi désire et demande le concours du gouvernement de sa majesté britannique. — J’ai exposé ensuite, en peu de mots, l’état actuel des affaires en Suisse, et la marche que les événemens me paraissaient devoir prendre. J’ai exprimé la crainte que le directoire fédéral, ayant à sa tête le chef des corps francs et se fondant sur le sentiment de la majorité de la diète, hostile en principe à la présence de jésuites, n’envahît les cantons catholiques, et n’allumât ainsi la guerre civile.

« Ne pourriez-vous pas, m’a dit lord Palmerston, déterminer le pape à retirer les jésuites de Suisse ?

« Cette négociation, ai-je répondu, serait lente et difficile, et l’urgence des circonstances exige une prompte détermination. — M. de Metternich, a repris le principal secrétaire d’état, ne pourrait-il pas déterminer les cantons catholiques à dissoudre leur ligue, contraire au pacte fédéral ?

« J’ai rappelé, monsieur le ministre, que le Sunderbund n’est point un traité écrit, mais un pacte tacite, une ligue de fait contre les attaques des corps francs, nécessaire à défaut de toute protection efficace de la part du gouvernement fédéral ; que, par conséquent, le prince de Metternich ne demanderait pas la dissolution d’une pareille alliance. Il me paraissait donc avant tout désirable d’obtenir de lui, et, par son exemple, de la Sardaigne et des petites puissances allemandes, et sans doute aussi de la Prusse et de la Russie, une attitude moins menaçante à l’égard de la diète et un langage plus modéré. Le cabinet de Vienne pourrait bien revenir aux dispositions plus modérées qui l’animaient il y a six mois, si le concours de la France et de l’Angleterre lui donnait l’espoir de réunir toute l’Europe dans une démarche commune et identique. Cette unanimité ferait hésiter la diète, confiante aujourd’hui devant l’Europe divisée, et qui compte peut-être sur l’appui de la Grande-Bretagne.

« Lord Palmerston, après un instant de silence, m’a fait remarquer, en me citant de récens exemples, combien était difficile pour tout gouvernement anglais une intervention quelconque dans les affaires d’un pays indépendant.

« J’ai demandé à lord Palmerston si ces considérations devaient le détourner absolument de toute idée de concours avec le gouvernement du roi sur cette