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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 5.djvu/491

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je l’ai trouvé très préoccupé de la collision qui s’approche en Suisse. « Il regrette que les propositions qu’il a fait faire au Sunderbund, d’abord par l’entremise de l’Autriche et de la France, puis par lord Minto, n’aient pas été accueillies : il demande si l’on ne pourrait pas encore prévenir l’effusion du sang par une démarche collective des grandes puissances, et m’a invité, ou autorisé, ou engagé (je ne suis pas bien sûr de l’expression) à m’en entretenir avec vous.

« Les propositions de lord Palmerston, ai-je répondu à M. de Bunsen, ont été fidèlement transmises au Sunderbund, et lord Palmerston a reçu, en échange, un long mémoire de M. Siegwart Müller ; mais je lui avais fait pressentir d’avance le résultat de cette tentative. Lord Palmerston proposait au Sunderbund de se soumettre et de poser les armes, sans transaction quant au présent, sans garantie pour l’avenir : c’était lui proposer de se rendre à discrétion ; il n’était pas difficile de prévoir la réponse. Quant à la possibilité d’une démarche collective, je voudrais y croire, mais il est bien tard ; au moment où nous parlons, probablement les premiers coups sont déjà portés ; il y a déjà un vainqueur et un vaincu ; le vainqueur, suivant toute apparence, n’écoutera point nos bons conseils et préférera poursuivre ses avantages. D’ailleurs, je suis sans instruction à l’égard de cette proposition inattendue ; vous de même ; probablement M. le comte Dietrichstein et M. de Brunow sont dans le même cas ; il faut un mois au moins avant que nous ayons tous réponse de nos gouvernemens. Comment se flatter, fussions-nous d’accord, d’arriver à temps ? »

« M. de Bunsen ayant insisté et désiré, en tout cas, connaître mon opinion sur ce sujet, je lui ai demandé la permission d’y réfléchir, et nous avons ajourné au lendemain la suite de notre entretien[1]. »

Malgré cet appel inopinément venu du côté même où il avait le plus de motifs de redouter quelque opposition à ses vues, le gouvernement français eût peut-être encore hésité à s’adresser lui-même directement aux grandes puissances de l’Europe pour les inviter à s’interposer entre les partis près d’en venir aux mains, s’il n’y avait été comme provoqué par la démarche éclatante des sept cantons, qui, prenant le ciel à témoin de la justice de leur cause et des efforts qu’ils avaient faits pour maintenir l’union avec leurs confédérés, venaient de s’adresser successivement à la France et aux autres cabinets signataires des actes du congrès de Vienne, pour leur demander de reconnaître expressément et formellement la position actuelle et les droits desdits cantons[2]. Comme nous l’avons établi, les cantons de la Suisse sont autant d’états souverains et égaux, à ce point que les ministres étrangers sont accrédités non pas seulement auprès de la diète, mais auprès de chacun des vingt-deux états[3]. Lors donc qu’on voyait surgir en Suisse deux fédérations

  1. Dépêche de M. de Broglie à M. Guizot. Londres, 1er novembre 1847.
  2. Voir la déclaration du conseil de guerre des sept cantons de Lucerne, Uri, Schwitz, Unterwalden (haut et bas), Zug, Fribourg et Valais (1er novembre 1847).
  3. Les lettres de créance délivrées par le gouvernement français à son ambassadeur près le corps helvétique sont ainsi libellées : « A nos très chers, grands amés, alliés et confédérés le président et députés des vingt-deux cantons composant la diète helvétique nous avons nommé M… pour résider près des louables cantons composant la Confédération helvétique. »