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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 5.djvu/515

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à Liverpool à raison de 1 shilling ou 1 shilling 3 deniers par baril, ce qui équivaut à un peu moins de 2 shillings et demi par quarter de blé. Bien plus, il s’est trouvé des armateurs qui ont transporté des blés américains gratis à Liverpool, quand on leur garantissait un fret au retour, c’est-à-dire de Liverpool à New-York. Enfin il a été constaté, et lord John Manners en donnait récemment la preuve dans un meeting à Loughborough, que le fret du cabotage d’un port du canal de Saint-George à un port de la mer du Nord, et réciproquement, est égal au fret demandé pour apporter des grains d’un port quelconque d’Europe en Angleterre.

On avait pensé que la Russie, dont les ports sont fermés l’hiver par la glace, et les États-Unis seraient les seuls pays qui pourraient entreprendre d’approvisionner l’Angleterre ; c’est dans cette hypothèse que les free-traders avaient établi leurs calculs. Il s’est trouvé que, dès la première année, il est venu des arrivages considérables de la Hollande, de la Prusse, de la France et même de la Belgique. Les blés prussiens sont venus de Stettin à Hull avec un fret égal et peut-être inférieur à celui du cabotage anglais ; les frais de transport du fond de la Prusse jusqu’à Stettin et de Stettin à Hull ne s’élèvent par quarter qu’à 2 sh. 6 d. Le rendement du blé est moins considérable ; mais, comme la journée d’un laboureur, qui est encore de 2 francs 25 cent. à 2 francs 50 cent. en Angleterre, n’est que de 60 à 75 cent. en Prusse, comme la terre s’y loue à raison de 5 sh. l’acre au lieu de 18 et 20 sh., la différence dans la main-d’œuvre et dans le loyer de la terre permet aux propriétaires prussiens de livrer leur blé avec bénéfice à un prix qui serait désastreux pour le fermier anglais. Aussi les importations de blé prussien se sont-elles élevées à 490,000 quarters de juillet 1848 à juin 1849. De l’aveu de sir George Grey, on regardait la France comme un pays qui importe du blé, mais qui est incapable d’en exporter. On oubliait que, si le détestable état de nos routes et l’absence de chemins de fer et de canaux permettent aux blés de la mer Noire d’arriver dans nos provinces du midi plus facilement que les blés des provinces du centre, nos provinces du nord et de l’ouest produisent plus de céréales qu’elles n’en consomment, et que la culture du colza et de la betterave ne s’est propagée dans le nord que parce que la culture du blé ne donnait pas de résultats suffisamment avantageux. Aussi ne fut-on pas peu surpris de voir les blés de France figurer pour 480,000 quarters dans les importations de juillet 1848 à juillet 1849, tandis que les blés des États-Unis, qui avaient seuls paru mériter de causer quelque inquiétude, n’y figuraient que pour 538,000 quarters. Les prévisions des free-traders ont donc été complètement trompées, et ce sont les agriculteurs anglais qui ont porté la peine de cette erreur.

Quels argumens le ministre de l’intérieur a-t-il trouvés pour rassurer les agriculteurs après avoir reconnu leur détresse, et confessé que les