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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 5.djvu/517

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agriculteurs de la Grande-Bretagne, arrivent à joindre les deux bouts quand le blé est à 45 sh. ; les fermiers d’Angleterre, moins habiles que ceux d’Écosse, n’en peuvent faire autant quand les prix descendent au-dessous de 50 sh. ; et, pour les mauvais terrains, ce prix est encore trop bas. Sir Robert Peel lui-même, dans son manifeste électoral de Tamworth en 1841, proclamait que l’agriculture anglaise ne pouvait se soutenir, si le prix du blé tombait au-dessous de 56 et même de 58 sh. Que va-t-il advenir, si le prix moyen du blé ne doit plus dépasser 40 shillings ?

Ainsi, deux mauvaises récoltes successives, une bonne récolte en 1849 vendue à vil prix, et la perspective des mêmes prix à l’avenir, telle est, en ce moment, la situation de l’agriculture anglaise. On devine quelles ont dû être les conséquences désastreuses d’un pareil état de choses. Beaucoup de fermiers ont failli, et un grand nombre n’ont d’autre alternative que d’obtenir une remise de fermage ou de déposer leur bilan ; ceux-là seuls résistent encore qui ont des capitaux à eux et une fortune personnelle, indépendamment de leur matériel d’exploitation. Dans vingt meetings, on a entendu des fermiers déclarer qu’ils avaient acquitté, les uns un an et demi, les autres deux ans de fermage sur leur capital. Combien de fermiers, ou n’ont payé qu’une partie de leur loyer, ou n’ont pu rien payer ! Le seul duc de Marlborough a eu, à la Saint-Michel dernière, à pourvoir à l’exploitation de 7,000 acres de terre que ses fermiers ont abandonnées par résiliation de bail. La gêne de la noblesse anglaise est extrême ; car, sans parler des propriétaires qui n’ont rien reçu, on ne trouverait peut-être pas dans la chambre des lords ou dans la gentry cent personnes qui n’aient été obligées ou d’accorder des délais à leurs fermiers ou de leur faire une remise de 10, de 20 et même de 25 pour 100 sur le montant des fermages. Il est impossible d’ouvrir un journal anglais sans y rencontrer l’annonce de faits semblables.

Les Anglais n’ont pas pour habitude de se borner à se plaindre. Les propriétaires fonciers et les fermiers ont commencé de concert, dès la fin de la dernière session, une agitation qui a pris de jour en jour des proportions plus considérables. Toutes les élections partielles qui ont eu lieu depuis le mois de juillet dernier ont été emportées par les protectionistes. M. Disraëli, M. Francis Young, le duc de Richmond, lord John Manners, M. Newdegate, ont parcouru l’Angleterre, tenant partout des meetings où, après avoir fulminé contre le libre échange, on votait avec acclamation une adresse à la reine pour lui demander de dissoudre le parlement actuel et d’en convoquer un autre qui représentât plus exactement le pays et pût remédier à ses maux.

Quel sera le remède qui guérira les plaies de l’agriculture ? Bien des systèmes sont en présence, et aucun ne nous paraît praticable. M. Disraëli, qui s’est mis le premier en campagne ; avait commencé