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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 5.djvu/577

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combat. Devant cet inexorable parti pris d’explications qui les mettait sans cesse dans l’alternative de faire amende honorable au cabinet ou de rompre ouvertement avec leurs collèges électoraux en passant le Rubicon de l’opposition extrême, les conservateurs dissidens faisaient, il faut l’avouer, assez piètre figure. Cette campagne parlementaire aura de bons résultats. C’est à la fois une leçon pour les ambitions mécontentes qui pourraient être tentées à l’avenir de sacrifier l’homogénéité de la majorité à leurs petits calculs, et pour les électeurs qui s’étaient laissé prendre à de faux semblans de modération. Un incident de la plus haute portée a signalé cette discussion, qui, à l’heure qu’il est, a dû se terminer par un vote approbatif. M. Mon a énergiquement défendu le ministère, confondant en tout la cause de celui-ci avec sa propre cause. Le pays saura les confondre aussi.

Voici ce qu’on nous écrit de Madrid sur l’ensemble de cette situation : « La discussion relative à la mise en vigueur immédiate du budget de 1850 a fourni au cabinet l’occasion de faire justice de certaines accusations, en s’appuyant sur les aveux de ceux qui les avaient mises en circulation. C’est ainsi que M. Vasquez Queipo, qui a quitté tout d’un coup le sous-secrétariat de l’intérieur, sous prétexte que le ministre, comte de San-Luis, avait exercé une influence illégale dans l’élection de M. Bermudez, a été forcé, en plein parlement et en réponse à une interpellation du ministre, de confesser que, malgré tous les bruits que l’opposition avait répandus, jamais il n’avait en la moindre connaissance d’une démarche quelconque, pas même d’une insinuation de la part du gouvernement en matière d’élection. Il a déclaré aussi que les fonds secrets du ministère ont été administrés avec la plus rigoureuse légalité, au point, a-t-il dit, que le ministre s’est montré, dans l’emploi de ces fonds, plus mesquin qu’il ne convenait au service public.

« Le ministère a hâte de dissoudre les cortès le plus tôt possible, et la majorité désire elle-même de nouvelles élections pour s’épurer de tous les élémens équivoques qui étaient entrés, sous des masques plus ou moins décevans, -dans sa composition. La conduite de M. Vasquez Queipo, l’enfant gâté du cabinet, le confident de ses plus secrètes pensées, a été une de ces sévères leçons que nous qualifions d’un nom très expressif et qui n’a pas sa traduction en français escarmiento. Heureusement, maintenant que M. Queipo a déserté avec armes et bagage, et qu’il figure dans les rangs de l’opposition, il se trouve dans l’impossibilité de jouer un double jeu.

Il ressort de cette longue et orageuse discussion une vérité qui fera époque dans l’histoire de nos institutions libérales. Pour la première fois depuis que nous vivons sous le régime d’une constitution, le budget ne sera pas un vain mot. C’est ce que M. Bravo Murillo a déclaré à plusieurs reprises dans la chambre, en ajoutant que le jour où il se sentirait impuissant à tenir cet engagement solennel, il quitterait immédiatement son poste. C’est là le signe d’une ère nouvelle pour notre crédit ; c’est l’avant-coureur indispensable du règlement de notre dette étrangère, sujet continuel des méditations et de la sollicitude de notre cabinet. Nous espérons tout de la sagesse et de la droiture de M. Bravo Murillo, soutenu comme il l’est par la fermeté et la décision de notre iron duke.

« Au reste, tous ceux qui connaissent à fond l’Espagne savent que le désordre