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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 5.djvu/606

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diverses classes de la nation prit, en temps opportun, l’initiative d’une transaction basée sur une idée large et féconde.

Ce rôle avait été celui de la royauté à toutes les époques de notre histoire. Sous sa puissante influence, des populations diverses d’origine opposées d’intérêts, s’étaient condensées dans une unité incomparable. Après avoir couvé la France sous son aile, la royauté l’avait agrandi par son épée. Louis XIV avait eu le rare bonheur d’arriver pour achever cette œuvre, et de représenter la royauté française au moment où les autres monarchies de l’Europe étaient en pleine décadence. L’Autriche était alors tenue en échec par les armes ottomanes et par les agitations de la Hongrie, l’Allemagne du traite de Westphalie était impuissante, parce qu’elle était divisée ; l’Espagne semblait atteinte de la langueur dont allait expirer la triste descendance de Charles-Quint ; en Angleterre, régnait une dynastie besoigneuse et menacée, qui attendait de Versailles les subsides que lui refusaient ses parlemens ; au nord de l’Europe, la Suède et la Pologne, dévouées à la France ou achetées par son or, venaient compléter cet assujettissement du monde auquel les circonstances avaient plus concouru que l’action personnelle du monarque. Malheureusement ce jet brillant fut le dernier éclat du flambeau près de s’éteindre. À l’ouverture du XVIIIe siècle, la scène de l’Europe se trouva tout à coup changée, les derniers regards du grand roi purent même contempler des transformations sans exemple et voir la France entrer brusquement à son tour dans cette période de décadence qui se prolonge jusqu’à nous, et que les miracles de l’empire n’ont suspendue qu’un moment.

À la Moscovie des faux Démétrius avait succédé la Russie de Pierre Ier et de Catherine II ; l’électorat de Brandebourg était devenu le royaume du grand Frédérie, et ce prince, dont nous assistâmes la grandeur naissante infligeait à nos armes des défaites ignominieuses ; la Hongrie insurgée des Tékeli et des Ragotski était devenue l’héroïque armée de Marie-Thérèse d’Autriche ; l’Angleterre, ranimée par une révolution avait appelé à la couronne une famille dans laquelle s’incarnaient toutes les antipathies nationales contre la France ; l’Espagne elle nième avait retrouvé, sous Charles III, un reste de grandeur qui rendait notre abaissement plus sensible ; bientôt enfin la Pologne, notre plus constant alliée, disparaissait par un grand crime que la France n’avait eu ni assez de pénétration pour prévenir, ni assez de courage pour châtier. Méprisée pour ses scandales au dedans, pour son impuissance au dehors, chassée de tous les continens, battue sur toutes les mers, la monarchie de Louis XV avait emporté avec elle l’honneur de la nation et l’avenir de la royauté ; elle avait rompu le lien mystérieux qui associait, depuis des siècles, les destinées de l’une et de l’autre. Cette monarchie