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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 5.djvu/694

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Quant à la sculpture anglaise, il m’est impossible de l’admirer beaucoup ; elle me semble presque toujours ou molle, ou sèche ; ou insignifiante, ou affectée. Un des groupes les plus vantés est celui qui s’élève sur la place de la bourse à Liverpool, et qui représente la mort de Nelson. Comme Nelson a remporté quatre grandes victoires, le sculpteur a placé au-dessus de la tête du héros, dans la main de la gloire, quatre couronnes qui se tiennent par un fil de fer.

Si les Anglais produisent peu de chefs-d’œuvre d’art, ils en achètent beaucoup. M. Waagen, juge si compétent, estime que la moitié des beaux tableaux qui existent se trouve en Angleterre ; l’autre moitié est dispersée dans le reste du monde. Grace à lord Elgin, que je bénis pour son forfait, et qui a sauvé de mille chances de destruction les marbres du Parthénon, les Anglais possèdent les plus belles œuvres du ciseau humain. Ils ont accueilli Haendel, qui, dans l’histoire de l’art, figure presque comme un compositeur anglais. Nulle part la grande musique de Palestrina, de Haydn, de Beethoven, de Mendelsohn, n’est plus souvent exécutée qu’en Angleterre.

Malgré cella vraie vie de l’Angleterre, ce n’est pas l’art, c’est la politique. En Angleterre, plus que partout ailleurs, les affaires de la nation sont les affaires de chacun, et l’intérêt général se confond avec l’intérêt privé ; de plus, rien n’étant centralisé, chaque ville, chaque bourg, chaque commune, peuvent s’occuper de ce qui les concerne. De là cette vie politique qui est partout active et présente en Angleterre.

En Espagne, j’ai été frappé de l’absence de la vie politique, des sentimens et des passions politiques. Il y a à Madrid une assemblée où l’on fait des discours et des lois, il y a aussi des cafés où on lit les journaux ; mais, dans tout le reste de l’Espagne, le gros de la population m’a paru fort indifférent aux discours : et aux journaux. Il y a plus, je n’ai jamais pu surprendre, dans le langage des Espagnols que le hasard m’a fait rencontrer, la trace d’un sentiment politique quelconque. Dans les diligences, on me parlait souvent de la révolution de février, jamais des nombreux bouleversemens que l’Espagne a subis depuis vingt ans. En arrivant à Séville, on me montrait jusqu’où avaient porté les bombes d’Espartero, mais il m’était impossible de découvrir si mes interlocuteurs étaient pour ou contre Espartero. Ce n’est pas qu’ils craignissent de manifester leur opinion, car on s’exprimait en toute liberté, et souvent avec beaucoup de verve, sur la conduite privée de la reine ; mais, à ma grande surprise, l’esprit de parti semblait anéanti. Je n’y pouvais rien comprendre, et je finissais par croire que les querelles en apparence si acharnées des partis étaient nées d’une agitation superficielle qui n’atteignait pas le cœur de la nation, que l’on avait joué à la guerre civile, les masses par désoeuvrement