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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 5.djvu/70

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pour faire sortir de l’arbitraire qui règne au ciel le despotisme des gouvernemens ! La même école en psychologie se plaît à insister sur la corruption radicale de l’homme et sur son absolue impuissance, bien plus que sur ce qui reste en son ame de divine lumière et d’immortelle vigueur, bien plus sur sa décadence originelle que sur sa réhabilitation par la religion en esprit et en vérité. Comme le gouvernement temporel de l’église s’accommodera de cette excellente philosophie ! Par une marche contraire, le saint-simonisme ne voit en Dieu que des lois nécessitantes, nulle personnalité, nulle existence réelle supérieure au monde. Admirez là encore la fatalité triomphante de la logique. La liberté véritable, n’étant pas en Dieu, ne sera pas davantage dans, l’homme, et, n’étant pas dans l’homme, elle ne pourra être dans la société. À la place de la liberté morale, que mettra donc le saint-simonisme, avec lequel aussi bien nous pouvons identifier tout socialisme, quel qu’il soit ? Il mettra, d’une part, l’indépendance menteuse de la passion, la souveraineté de l’instinct, cette fausse image de la liberté, et, de l’autre, pour réaliser ce progrès social auquel la volonté libre et l’effort responsable de l’homme n’ont nulle part, je ne sais quelle régularité géométrique, je ne sais quelle hiérarchie compassée empruntée à ces lois fatales, seul idéal que le dieu-univers puisse fournir à l’imitation du genre humain. L’épreuve est décisive. Donnez-nous, sous la restauration, dix pages de philosophie, et nous vous tenons quitte de nous dire ce que pense l’auteur du gouvernement constitutionnel et du ministère de M. de Polignac : il nous suffit, pour le deviner, de savoir ce qu’il pense de Dieu.

Organe et auteur d’une psychologie. franchement spiritualiste, métaphysicien du haut libéralisme, M. Cousin admet en même temps, tous ses écrits en font foi, en Dieu et dans l’homme deux forces qu’on a tort de séparer, et qu’on ne sépare qu’au prix de conséquences désastreuses, à savoir la volonté et la raison, l’une qui agit, l’autre qui règle l’action, l’une qui est la liberté, l’autre qui est l’autorité au moins dans son fond et à sa source, l’ordre au moins dans son type et dans son essence. De là, pour ainsi dire, tout un monde de conséquences différentes. Aux doctrines de Bonald et de Joseph de Maistre, et à celles de Saint-Simon et de tout le socialisme, que l’on compare le spiritualisme psychologique, que l’on compare, dis-je, et que l’on choisisse. Nous voici au cœur même de la question.

On reproche à la loi morale de manquer de sanction ; on soutient qu’elle est arbitraire selon la philosophie. Quoi ! la loi morale manque de sanction ! Mais pour quoi comptez-vous donc le principe de mérite et de démérite admis par la raison universelle, la satisfaction morale et le remords, l’estime et le mépris, les peines et les récompenses ; pour quoi comptez-vous, au-delà de cette sanction immatérielle ou visible,