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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 5.djvu/753

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citoyen de cet état ou de celui-là, mais un citoyen de l’univers, nous l’avons bien reçu, nous l’avons fêté, nous l’avons escorté, nous l’avons accueilli avec transport, nous l’avons honoré ; mais pour cela nous a-t-il honorés ? Qu’a-t-il dit de nous à son retour ? Lisez son livre. Non, ne lisez pas ce livre, car il n’est pas digne d’être lu. A-t-il dit un mot de toute cette réception dans ce livre ? Ce livre, qui sera lu, traduit et lu encore dans toute l’Europe, a-t-il dit un mot de cette réception ? Répondez-moi, le pourrez-vous ? Sa mémoire était mauvaise, il la perdit avec le mal de mer : — Mais son livre de notes était sain et sauf sous la serrure et la clé, et les cochons de New York, et l’homme que les rats mangent en prison, et l’homme barbare du Kentucky, et toutes ces histoires n’étaient pas confiées à la mémoire : tout cela était noté et imprimé.

« Mais ce n’est pas là l’affaire. Que quelqu’un, en Angleterre, me cherche une querelle sur mon pays ; ou ne me donne pas la position à laquelle j’ai droit en Angleterre et dans la société, comme attaché de notre légation, et, comme le dit Cooper, mai aussi je deviens belligérant. Je puis moucher une chandelle aussi fortement que vous pouvez rallumer, suspendez une orange, je la pèlerai d’abord avec la balle, et puis je la partagerai. O ciel ! je ferai des jours à leurs jaquettes, en vérité.

« Jube ; Japan, vous, drôle ; infernal noir, nègre puant, qu’est-ce que vous tenez là ?

« — Une pomme, monsieur.

« — Otez votre chapeau ; et placez cette pomme sur votre tête, et puis tenez-vous de côté, à l’ouverture de cette porte, et tenez-vous ferme, ou bien vous pourriez avoir la chance de voir carder votre bonnet, et voilà tout.

« Alors, tirant un pistolet de son mackintosh, il se promena avec résolution de l’autre côté du pont, et examina son amorce :

« — Grands dieux ! monsieur Slick, dis-je alarmé ; qu’allez-vous faire ?

« — Je vais, dit-il avec une grande froideur, mais en même temps avec une égale fermeté, je vais faire un trou à cette pomme.

« — C’est honteux, monsieur, dis-je. Comment pouvez-vous penser à de telles choses ? Supposez que vous manquiez votre coup, vous tuez cet infortuné garçon.

« — Je ne puis supposer une telle chose, monsieur ; je ne puis le manquer. Je ne puis le manquer si j’essaie. Tenez votre tête droite Jube, et, après tout, quand je le manquerais, c’est peu important. L’amalécite incirconcis ne vaut pas trois cents dollars ; c’est un fait, voilà au plus haut son prix. Êtes-vous prêt, Jude ?

« — Oui, Massa.

« — Vous ne ferez pas une telle chose, monsieur ! dis-je saisissant son bras avec mes deux mains. Si vous essayez de tirer cette pomme, il n’y aura plus aucune relation entre nous. Vous devriez être honteux de vous-même, monsieur !

« — Massa, dit Jube, laissez-lui faire feu ; il ne me touchera pas un cheveu. Je n’ai pas la moindre crainte. Il le fait souvent pour s’entretenir la main. Massa est un grand tireur. Il atteint si légèrement l’oreille de l’écureuil, qu’il s’en va se grattant la tête ; il ne le manque jamais. Laissez-lui tirer la pomme, Massa.