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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 5.djvu/84

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Au point de vue du fonds métaphysique et des conclusions morales, il a donc parfaitement le droit de dire que la philosophie spiritualiste et le christianisme sont d’accord. Oui, l’unité de Dieu, sa spiritualité, sa providence, sa perfection proposée en exemple à l’ame humaine créée à son image, le libre arbitre, la responsabilité, la dignité, l’immortalité de cette ame qui conserve sa personnalité, le pouvoir et le devoir pour elle, durant la vie, de s’élever vers son Créateur, l’idée de l’égalité et de la fraternité des hommes, voilà les idées auxquelles la philosophie aboutit au nom d’une observation bien conduite et de la raison sérieusement consultée. Pour la philosophie comme pour la religion, aux yeux du traducteur de Platon, du disciple de Descartes et de Leibnitz, comme à ceux de l’auteur du Traité de l’existence de Dieu ou du Traité de la connaissance de Dieu et de soi-même, le mot de la vie est épreuve. Pour la morale, au point de vue social et pratique, qu’on nous montre donc entre les deux doctrines l’ombre d’une différence !

Est-ce à dire qu’il faille, à cause de cette identité d’enseignemens, que le christianisme s’efface devant la philosophie, ou que la philosophie disparaisse devant le christianisme ? M. Cousin ne le pense pas. Faire pénétrer le sentiment chrétien dans la philosophie, la lumière philosophique dans l’ombre du sanctuaire, ce n’est point identifier deux puissances diverses d’origine, différentes par les procédés, et destinées, chacune pour sa part, à satisfaire des besoins spéciaux et distincts de la nature humaine. La religion et la philosophie, alors même qu’elles s’entendent le mieux, n’en représentent pas moins plus particulièrement : l’une, l’inspiration, l’enthousiasme, le mystère, la foi, l’autorité ; l’autre, la réflexion, la méthode, la clarté, l’examen, l’indépendance. Toutes deux exercent dans la société un ministère spirituel, mais elles l’exercent en s’adressant dans les ames à des mobiles divers, en leur parlant un langage approprié à la diversité des temps et des natures. Nous savons qu’on reproche à M. Cousin de prétendre, par cette distinction, renvoyer dédaigneusement le christianisme aux masses et prophétiser son absorption définitive par la philosophie. Que M. Cousin considère le christianisme comme plus indispensable aux masses privées de toute autre culture, cela ne saurait être contesté ; mais il y a si loin dans sa pensée d’un tel sentiment au dédain, qu’il ne croit pas pouvoir donner aux masses un gage plus vrai de sympathie que de les adresser au christianisme, et au christianisme un plus décidé témoignage de respect, que de lui confier les masses, c’est-à-dire le genre humain. Il professe que la religion et le culte sont d’une nécessité aussi éternelle que les besoins du cœur et que les conditions de la société. Nous croyons donc pouvoir conclure que M. Cousin, sans un vain étalage d’orthodoxie, sans aveugle optimisme, regarde comme