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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 5.djvu/844

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vers l’unité nationale, ce genre de destruction avait eu lieu par l’autorité des rois ; Charles V, Louis XI et Henri IV s’attaquèrent aux donjons pour mater l’esprit féodal ; en cela comme en tout, Richelieu fit faire un pas immense à l’œuvre de ses devanciers. Les mesures à prendre pour ce qu’on pourrait nommer l’aplanissement politique du sol français furent confiées par lui à la diligence des provinces et des municipalités, et, d’un bout à l’autre du royaume, les masses plébéiennes se levèrent pour abattre de leurs mains les murs crénelés, repaires de tyrannie ou de brigandage, que, de génération en génération, les enfans apprenaient à maudire. Selon la vive expression d’un historien patriote, « les villes coururent aux citadelles, les campagnes aux châteaux, chacun à sa haine[1]. » Mais l’ordre, qui souvent marque la profondeur des sentimens populaires, présida à cette grande exécution que le pays faisait sur lui-même ; aucune dévastation inutile ne fut commise, on combla les fossés, on rasa les forts, les bastions, tout ce qui était un moyen de résistance militaire ; on laissa debout ce qui ne pouvait être qu’un monument du passé.

Pendant ce temps, la commission de réforme législative poursuivait son travail sous la présidence du garde-des-sceaux, Marillac. Il en résulta l’ordonnance de janvier 1629, égale en mérite et supérieure en étendue aux grandes ordonnances du XVIe siècle. Ce nouveau code n’avait pas moins de quatre cent soixante et un articles. Il touche à toutes les parties de la législation : droit civil, droit criminel, police générale, affaires ecclésiastiques, instruction publique, justice, finances, commerce, armée, marine. Inspiré à la fois par le vœu national et par la pensée de Richelieu, il est empreint de cette pensée quoique le grand ministre ait dédaigné d’y prétendre aucune part, et que l’opposition du parlement, soulevée contre cette œuvre de haute sagesse, ait, dans un sobriquet burlesque, attaché un autre nom que le sien[2].

L’ordonnance ; ou plutôt le code de 1629, eut pour but de répondre à la fois aux demandes des derniers états-généraux et à celles de deux assemblées de notables[3]. Parmi les dispositions prises d’après les cahiers de 1615, la plupart furent puisées dans celui du tiers-état ; je n’en ferai point l’analyse, j’observerai seulement qu’en beaucoup de cas la réponse donnée reste en arrière ou s’écarte un peu de la demande. On sent que le législateur s’étudie à concilier les intérêts divergens

  1. M. Henri Martin, Histoire de France, t. XII, p. 527.
  2. Les gens de robe affectèrent de ridiculiser l’ordonnance de 1629 en l’appelant Code Michaud, du prénom de son rédacteur, le garde-des-sceaux Michel de Marillac.
  3. Celle de 1617, dont je n’ai pas fait mention, et celle de 1626. — Ordonnance sur les plaintes des états assemblés à Paris en 1614, et de l’assemblée des notables réunis à Rouen et à Paris en 1617 et 1626. (Recueil des anciennes Lois françaises, t. XVI, p. 223 et suivante.)