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rouge s’enlevant au moindre signe du chef. Redevenu Arabe, le spahi pouvait alors exécuter toute mission sans exciter de soupçons : tour à tour courrier, éclaireur, limier ou soldat des avant-postes. Des sous-officiers et des officiers français furent donnés à ces cavaliers indigènes, quelques Européens admis dans le rang, et, ainsi composée, cette troupe a souvent rendu de grands services. « Refuge des pécheurs ! » disait-on parfois en souriant, lorsqu’on parlait des spahis ; bien des caractères, en effet, qui auraient eu peine à supporter toute la rigueur de la discipline française, allaient leur demander asile : aussi souvent rencontrait-on parmi eux des physionomies étranges, des coureurs d’aventures, dont la vie, ressemble à un récit des temps passés détaché d’un vieux livre.

Aujourd’hui ici et demain là, le soldat a pour destinée la volonté du chef. Qu’un ordre arrive, et le voilà séparé pour de longues années de ceux qu’il avait coutume de voir chaque jour. Ce fut l’histoire de nos escadrons. Les zouaves nos amis du Haut-Riou, étaient bien loin lorsque nous battions l’estrade avec l’escadron des spahis de Mascara.

Dans cet escadron, les types singuliers dont nous parlions tout à l’heure ne manquaient pas. Deux surtout méritent d’être cités : le premier, d’une excellente famille, d’un caractère bizarre et original, se nommait le maréchal-des-logis Alfred Siquot ; l’autre, Mohamed-Ould-Caïd-Osman, et avait rang d’officier indigène. Leur courage était égal ; ils différaient pour tout le reste. Siquot était par excellence un humoriste dans le sens que les Anglais donnent à ce mot. L’air sombre de ce rieur silencieux l’avait fait surnommer jovial. Son amour de la solitude et du mouvement, du sans-façon et des accidens, l’attachait à la vie de soldat. L’existence de Siquot n’avait d’ailleurs pas un voile, pas un nuage, et chacun y pouvait lire. Pour Mohamed-Ould-Caïd-Osman, le nom arabe cachait un nom prussien et une vie agitée pleine de duels et d’aventures, de condamnations à mort et de pendaisons en effigie. Tenez cependant pour certain qu’instruit, plein d’esprit, il avait dans sa brusquerie un grand charme et une bravoure justement renommée qui le faisaient considérer de tous ; au demeurant le vrai type de l’officier de fortune, du lansquenet des temps passés. Son fusil à deux coups aussi redouté des Arabes que des perdrix, son chien nommé Tom, son cheval alezan, vaillante bête, tels étaient en campagne ses seuls amis. À la garnison, une quatrième affection trouvait place dans son, cœur : une petite Espagnole, qui n’ouvrait jamais la bouche, et lui était aussi dévouée que son chien. Tom, la Chica, le caïd, ne faisaient qu’un alors, vivaient, riaient, pleuraient ensemble. Siquot, le maréchal-des-logis, venait aussi parfois fumer sa pipe au milieu des trois amis.

Quant à la vie d’Afrique du caïd, elle était connue, et ses accidens avaient plus d’une fois égayé les longs repos des jours de bivouac. À