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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 5.djvu/941

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les républicains ont été forcés d’apporter leurs votes au parti socialiste ; ils le promettent du moins, et cela avec une humilité singulière.

Curieux spectacle et triste comme tous les spectacles de notre temps ! Voici un parti qui a le titre légal du gouvernement, qui a fait la constitution, qui a arrangé toutes les institutions à sa guise et selon ses idées : eh bien ! ce parti n’est rien, et il est forcé de le reconnaître et d’aller donner sa démission entre les mains du parti qui est le plus hostile à la constitution ! Cette démission du parti républicain simplifie singulièrement l’avenir. Si nos adversaires l’emportent, nous savons que nous n’avons pas à espérer qu’il y ait dans leur sein un parti intermédiaire ; nous savons que personne ne modérera et ne tempérera plus la révolution. — Tant mieux ! dit-on, ce sera plus vite fini. — Oui, mais c’est une raison aussi, selon nous, pour qu’il vaille encore mieux que cela ne commence pas.

Et ceci nous ramène à notre perpétuelle conclusion l’union du président et de la majorité. C’est là, en effet, qu’est la force, c’est là qu’est le moyen de résister aux efforts du parti socialiste. Nous savons bien que cette union salutaire et nécessaire, tout le monde s’emploie à la prêcher à son voisin plus encore qu’à soi-même, et c’est là ce qui nous fâche. Tout le monde veut l’union, mais on dispute sur les conditions. Chacun ne voudrait sacrifier que le moins possible de ses opinions, de ses préjugés, de ses prérogatives, et chacun voudrait que le prochain fît un sacrifice complet. — Pourquoi, dit le pouvoir exécutif au pouvoir législatif, pourquoi ne vous prêtez-vous pas avec plus de complaisance à ce que demandent les ministres ? Pourquoi leur créez-vous des échecs ? Vous m’affaiblissez ainsi, et, si je m’affaiblis, cela ne vous fortifie pas, soyez-en bien sûr ! — Et, quand nous entendons parler ainsi, nous qui sommes le public, nous disons : C’est vrai ! ce qui affaiblit le pouvoir exécutif ne fortifie pas le pouvoir législatif.- Cependant le pouvoir législatif répond à son tour : — Vous vous plaignez des rebuffades qu’éprouvent les ministres ; mais avez-vous songé, en les choisissant, à prendre des personnes qui nous fussent agréables ? Vous les avez choisis pour vous et selon vous : c’était votre droit ; mais ne nous demandez pas des complaisances là où vous n’en avez pas eu vous-même. Nous votons pour eux quand ils nous semblent avoir raison, et contre eux quand ils nous semblent avoir tort. Nous les faisons vivre selon le droit, comme vous les avez fait naître selon le droit. Et, d’ailleurs, n’aurions-nous pas aussi quelque raison de nous plaindre ? L’assemblée est-elle toujours traitée comme il convient dans les publications plus ou moins officielles ? N’est-elle pas souvent représentée comme un obstacle ? N’essaie-t-on pas de se passer d’elle le plus qu’on peut ? On colporte quelques vifs propos tenus sur le pouvoir exécutif ; il s’en colporte aussi tenus sur le pouvoir législatif. Croyez-vous que ce qui affaiblit le pouvoir législatif fortifie le pouvoir exécutif ? Non ! soyez-en bien sûr aussi. — Et, en entendant parler ainsi, nous qui sommes le public, nous disons : — C’est vrai ! le pouvoir exécutif ne peut rien gagner à l’affaiblissement du pouvoir législatif. C’est à peine si, en réunissant leurs forces, ils pourront résister à l’ennemi commun. Que sera-ce donc, s’ils se divisent ?

Nous ajoutons deux remarques : l’une sur la force réelle des pouvoirs publics, l’autre sur la condition nouvelle que la constitution, de 1848 fait aux ministres.