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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 5.djvu/944

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inhérens à leur nature. Transaction discutée, transaction avortée, telle est la règle ordinaire. La loi de l’enseignement a échappé à cette règle. Ce résultat, qui est heureux, puisqu’il était nécessaire, et qui ne sera pas compromis, nous le pensons, par la troisième lecture, fait honneur aux chefs de la majorité et à M. le ministre de l’instruction publique ; qui a su se faire un rôle à part dans cette discussion, résistant ou cédant à propos aux opinions de la commission. Nous ne voulons pas non plus oublier l’utile concours que M. Barthélemy Saint-Hilaire a apporté par son apposition même. Quant à M. Thiers, une fois qu’il s’est décidé à faire la transaction que tout le monde souhaitait, il s’y est employé avec la vivacité et la hardiesse de son esprit, portant à la tribune les coups les plus habiles et les plus décisifs, et, quand la politique se mêlait à la discussion, comme dans ces derniers jours, enseignant à la république qu’elle ne vit que parce qu’elle n’est pas républicaine, et qu’elle mourra le jour où elle le redeviendra.

Dans l’intervalle d’une délibération à l’autre sur la loi de l’enseignement, l’assemblée s’est occupée de deux questions importantes, celle des associations d’ouvriers et celle des commandemens militaires. Parlons d’abord de cette seconde question.

Il était facile de prévoir que la mesure des commandemens militaires serait violemment attaquée par la montagne. Cette mesure a été prise contre le parti démagogique. Elle a pour but avoué d’intimider et de comprimer l’esprit révolutionnaire, qui se réveille avec une certaine énergie sur quelques points du territoire. Il ne faut pas croire en effet que toute la France soit aussi calme que l’a été Paris durant ces derniers mois. Paris, en ce moment, jouit d’une certaine tranquillité relative, qu’il doit sans doute beaucoup moins à son insouciance ou à la soumission volontaire des ennemis de l’ordre qu’à la vigilance de l’armée et à celle de son illustre chef, le général Changarnier. Paris, du reste, n’a pas oublié le 24 février, ni le 15 mai, ni le 24 juin, ni beaucoup d’autres dates de même espèce, qui sont inscrites en lettres ineffaçables dans son calendrier révolutionnaire, et il serait bien imprudent ou bien magnanime, s’il les oubliait ; mais il a ses affaires et ses plaisirs, et, si la politique l’occupe, elle l’occupe sans l’absorber ni le dominer. Il n’en est pas ainsi, malheureusement, de plusieurs contrées de la France, où le socialisme s’est retranché, comme dans son domaine, pour y braver impunément les pouvoirs publics. Là de terribles menaces se font entendre, et les passions de juin semblent prêtes à se rallumer. Le gouvernement ne pouvait fermer les yeux sur de pareils symptômes. Il a compris que son devoir était de se préparer à tout événement. Pour rendre, en cas de besoin, la répression plus prompte et plus sûre, il a concentré les commandemens militaires de plusieurs provinces entre les mains de trois officiers-généraux connus pour leur dévouement inébranlable à la cause de l’ordre. Naturellement, ce système de concentration ne pouvait plaire à la montagne qui est toujours disposée à croire que la société est trop fortement défendue ; naturellement aussi, et par des raisons différentes, il devait convenir au parti modéré. D’ailleurs, la mesure est légale. Le décret du 12 février ne change pas les circonscriptions militaires, il ne raie pas une seule circonscription de la carte. Il a seulement pour objet de conférer à trois