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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 5.djvu/984

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pour persuader les sociétaires, et la commission ne paraît point y avoir assez songé. Sous ce rapport, le gouvernement a beaucoup mieux apprécié la position ; il offre, sous condition, un subside qui n’a rien de compromettant pour les finances de l’état. La commission enfin n’a tenu aucun compte d’une pensée féconde dont le gouvernement l’avait saisie à l’occasion des sociétés de secours, et qui eût trouvé ainsi son application ailleurs ; nous y reviendrons un peu plus loin, le sujet en vaut la peine. En résumé, voilà encore un sujet à l’égard duquel le travail de la commission est médiocrement satisfaisant.

À l’égard de la caisse des retraites, a-t-elle fait beaucoup mieux ? Elle se prononce énergiquement contre la retenue obligatoire. Les motifs de sa résistance, que le rapporteur expose parfaitement, ne laisseront de doute à aucun de ceux qui jugent ces questions-là avec leur raison. L’état ne peut gérer de force les intérêts, de trente millions de personnes. De ce que les individus peuvent mal conduire leurs affaires, il ne suit pas qu’on doive se substituer à eux. Une société où l’état se mettrait à la place de tous, et s’érigerait d’autorité en dépositaire des économies de presque toute la nation, serait sous une loi despotique. Le gouvernement qui assumerait tant de responsabilité, serait insensé. La chance du mal est la conséquence inévitable de la liberté humaine. Il ne faut pas que, dans nos sociétés civilisées, amoureuses de liberté, lors même quelles paraissent la répudier, les gouvernemens veuillent faire autrement que Dieu même, qui, en donnant aux hommes le libre arbitre, a entendu qu’ils pourraient faire bien ou faire mal, et qui leur a préparé à tous la récompense ou la peine, selon leur choix. La retenue obligatoire, quand on l’envisage de près, se montre impraticable ; et, par rapport aux ouvriers et par rapport à l’état. Par rapport aux ouvriers, il en est un grand nombre qu’on ne pourrait faire contribuer régulièrement, à moins d’organiser l’inquisition. Par rapport à l’état la difficulté est d’un autre genre. L’état deviendrait le gardien de sommes inouies, dont aucun gouvernement ne voudrait ni ne pourrait accepter le dépôt, qu’il échouerait à faire valoir. Selon les différens calculs que présente M. Thiers, en se plaçant dans différentes hypothèses, on se trouverait en effet, au bout d’un certain nombre d’années, en face de 30 milliards, ou de 23, ou au moins de 15. Réduisez à moitié encore, et la somme restera exorbitante. Cette objection cependant perdrait de sa force, si on prenait le parti de substituer à une caisse unique, administrée par l’état, un grand nombre de caisses locales que l’état pourrait surveiller, mais dont l’administration et les ressources resteraient distinctes : parti fort sage, car ce serait le seul moyen d’attirer à l’institution une certaine quantité de dons volontaires. Beaucoup de personnes se décideraient à une donation immédiate, ou à un legs en faveur de la caisse des retraites de leur ville