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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/1034

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sous les envahissemens du procédé, et l’affectation de l’aisance, à partir du moment où Louis XV monte sur le trône.

Les graveurs français se divisaient alors en deux groupes distincts l’un, sous l’autorité de Rigaud et conservant en partie la tradition du siècle précédent ; l’autre, plus important en nombre et cherchant, à la suite des peintres de genre, tels que Watteau ou ses imitateurs, le succès dans les innovations. À peu près à la même époque, et comme placés entre les écoles rivales, Saint-Aubin et Ficquet, dont le talent participait de l’ancienne et de la nouvelle manière, gravaient ces petits portraits qui ont retrouvé la vogue depuis quelques années. Les portraits de Ficquet surtout sont recherchés aujourd’hui : cependant ceux de Saint-Aubin, exécutés avec non moins de délicatesse et d’esprit, offrent, malgré l’exiguïté de leur dimension, une largeur de modelé qui manque aux œuvres qu’on leur préfère ; mais ils se découpent presque toujours sur un fond noir, sans transition graduée, sans variété d’effet, et c’est sans doute à cet aspect un peu dur et monotone qu’il convient d’attribuer la défaveur relative où on les tient. Il est permis de supposer aussi que les estampes de Ficquet doivent à leur extrême fini bon nombre de suffrages. Lorsque l’esprit n’est pas exercé à discerner les parties les plus essentielles de l’art, l’œil considère comme la marque assurée de la perfection la propreté minutieuse du travail, et de même que certaines personnes, ordinairement insensibles à la peinture, s’extasient de confiance devant les tableaux de Carlo Dolci et de Gérard Dow, peut-être certains admirateurs de Ficquet jugent-ils de son talent sur l’apparence nette et soignée de ses planches. Cependant le mérite du graveur ne ressort pas uniquement de ces témoignages d’une habileté secondaire : plusieurs de ses petits portraits, destinés presque tous à orner des livres ou des recueils historiques, se distinguent par la souplesse du dessin, par la finesse de la physionomie, et, si le travail était un peu moins maigre, un peu moins chargé de demi-teintes dans quelques parties, on pourrait les classer, comme miniatures au burin, à côté des émaux de Petitot.

L’analogie, du reste, ne saurait exister entre les deux artistes que sous le rapport du talent : leurs mœurs différèrent de tous points. Le peintre Petitot, calviniste zélé et dont la vie austère contraste étrangement avec le style mondain des œuvres qu’il a laissées, eut l’honneur d’attirer l’attention de Bossuet, qui tenta de le convertir. Emprisonné, au Fort-l’Évêque après la révocation de l’édit de Nantes, il n’en sortit que pour consacrer le reste de ses jours à la retraite et à l’étude. Le graveur Ficquet ne se préoccupa nullement des questions religieuses, et sacrifia à ses plaisirs tous les momens qu’il ne donna pas à son art. Malgré le gain, qu’il tirait aisément de ses travaux, il était toujours à court d’argent, toujours poursuivi par ses créanciers, qui, de guerre