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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/1043

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le peintre Wallerant Vaillant ; qui ne se crut pas tenu à une discrétion fort grande. Bientôt quelques artistes flamands s’essayèrent dans la gravure en manière noire, et, les procédés une fois mis en circulation, on ne s’inquiéta plus de celui qui les avait imaginés. On l’oublia si vite et si complètement, qu’en 1656 il était obligé déjà de réclamer le titre que personne ne songeait à lui donner, et de signer ses ouvrages : , « Von Siegen, premier et véritable inventeur de ce genre de gravure. » Ce fut bien pis à Londres : lorsqu’on y eut vu les estampes gravées par le prince Rupert durant son exil, et que les artistes eurent appris de lui à l’aide de quels moyens ils pouvaient en produire de semblables, on se mit à l’œuvre sans rechercher d’autres modèles. On se préoccupa beaucoup plus du résultat que de l’historique de la découverte, dont on attribua tout l’honneur à celui qui l’avait seulement propagée. Le talent des premiers imitateurs du prince Rupert ne s’élève pas au-dessus de la médiocrité parmi leurs successeurs directs et les successeurs de ceux-ci, il en est peu dont les ouvrages soient plus remarquables ; mais à l’époque où Reynolds entreprend, comme autrefois Rubens dans les Pays-Bas, de diriger lui-même les travaux de la gravure, le nombre des artistes de mérite devient considérable en Angleterre. Ardell, Smith, Earlom, Dickinson, Green, Watson, beaucoup d’autres qui mériteraient d’être cités après ces habiles graveurs, étendent prodigieusement les ressources du procédé en l’appliquant à la traduction des œuvres de leur maître. La manière noire, réservée d’abord pour la gravure des portraits, est appliquée assez heureusement au genre historique, et de progrès en progrès elle finit par acquérir une perfection matérielle dont les ; Anglais semblent de nos jours encore avoir gardé le privilège.

Les élèves de Vivarès et les graveurs en manière noire inspirés par Reynolds commençaient donc à vivifier l’école anglaise, et les premiers surtout lui donnaient par leurs talens une sérieuse importance. Woollett publiait, d’après son compatriote Wilson et d’après quelques anciens maîtres ; ces paysages admirables, qui semblent moins des estampes que des tableaux, tant est suave l’harmonie, de l’effet, tant la lumière y a de transparence et de couleur[1] ! Un peu plus tard, il achevait de s’illustrer dans des travaux d’un autre genre, en gravant,

  1. Woollett mélangeait dans ses paysages les procédés de l’eau-forte, du burin et de la pointe sèche. Philippe Lebas avait le premier imaginé d’user de la pointe ; sèche pour imiter, les tons vaporeux des lointains et la limpidité du ciel. Ce moyen de gravure, amélioré par Vivarès, fut porté par Woollett à sa dernière perfection. Quelques artistes anglais tentèrent à la même époque d’étendre jusqu’à la gravure de paysage les procédés, de la manière noire ; mais les estampes faites de la sorte par Watson et Broohshaw d’après le peintre allemand Kobell ne peuvent supporter l’examen à côté des beaux ouvrages de Woollett.