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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/111

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droit d’être jugé avec sévérité, et, si je relève avec un soin minutieux tout ce qui, dans la statue de Larrey, viole les lois du goût, les lois du dessin, c’est pour témoigner plus clairement à M. David l’estime qu’il m’inspire. Si j’avais à examiner un travail signé d’un nom nouveau, je ne pousserais pas si loin l’analyse, je ne déduirais pas avec tant de précision les motifs de mon avis, et j’espère que l’auteur ne s’y trompera pas.

Les bas-reliefs qui décorent le piédestal donnent lieu à des remarques d’une autre nature. Pour exprimer l’héroïsme de Larrey, M. David a choisi quelques-unes des batailles auxquelles se trouve associé le nom de son modèle. Quoi qu’on puisse dire, je ne pense pas qu’il pût agir autrement. Sans doute, la figure de Larrey, bien que placée au premier plan, n’attire pas d’abord les regards de la foule ; mais tous ceux qui étudient avec sympathie le monument élevé à la mémoire de l’illustre vieillard, et le nombre en est grand, Dieu merci, découvrent sans peine le chirurgien au milieu des blessés. Dire que l’importance de la bataille atténue, efface le personnage qui donne son nom au monument, c’est ne rien dire de sérieux. Quel sens, en effet, est-il possible de prêter à cette objection ? Larrey a prodigué sa vie sur les champs de bataille. Pour nous représenter son dévouement héroïque, ne faut-il pas nécessairement le placer au milieu des balles et des boulets ? Que les batailles des Pyramides, d’Austerlitz, de Somo-Sierra et de la Bérésina occupent dans l’histoire une place plus considérable que l’abnégation et le courage de Larrey, qui songe à le nier ? Que sa figure n’appelle pas d’abord l’attention du spectateur indifférent, la chose est toute simple ; il est impossible qu’il en soit autrement. Toute la question se réduit à savoir si M. David pouvait agir autrement qu’il n’a fait. Quant à moi, je ne le pense pas. Il devait et, il a voulu nous représenter Larrey aux différentes époques de sa vie ; le choix auquel il s’est arrêté répond parfaitement au dessein qu’il avait conçu. Le reproche que je crois devoir lui adresser n’a rien à démêler ni avec le choix des sujets, ni avec l’amoindrissement inévitable du personnage. Ces deux sortes d’objections me paraissent dépourvues de toute valeur. Il y a, je le reconnais volontiers, dans les quatre bas-reliefs qui m’occupent une incontestable énergie. L’auteur s’est efforcé de nous montrer la guerre dans toute sa vérité, et l’ordonnance des bataillons n’a rien de capricieux ni d’académique. Le canon gronde, les balles sifflent à nos oreilles ; les fantassins immobiles envoient et attendent la mort ; les escadrons s’ébranlent, et la mêlée s’engage. À ne considérer que la conception générale de ces bas-reliefs, il est impossible de ne pas les admirer ; mais si, de la conception générale, l’esprit du spectateur passe à l’étude individuelle de chaque figure, l’admiration s’attiédit singulièrement. Si la composition semble à l’abri de tout reproche,