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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/1147

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la liberté absolue du prêt à intérêt, se hâtaient de confesser qu’ils n’entendaient point conclure à l’application immédiate de la théorie. L’assemblée, qui s’était ainsi mise à l’œuvre pour entreprendre en quelque sorte du socialisme conservateur, doit être persuadée de reste que s’il y a vraiment, selon la formule accoutumée, quelque chose à faire, ce n’est pas du moins beaucoup plus que cela. La plus grande innovation qu’elle ait réussi à introduire, c’est d’encourager avec les fonds de l’état des établissemens de bains et des lavoirs gratuits ou à prix réduits : encore l’innovation proposée et soutenue par M. Dumas a-t-elle paru d’un mérite assez médiocre, nonobstant les argumens trop techniques du ministre, et c’est avec peine qu’elle a passé.

Pendant que le gouvernement et l’assemblée s’accordent pour donner aux besoins populaires ces preuves d’un vigilant intérêt, nos démagogues continuent, soit en France, soit à l’étranger, leurs manœuvres d’agitation stérile, ou bien ils nous donnent le spectacle de leurs propres discordes. Les cosmopolites réfugiés à Londres ne veulent pas laisser ignorer à l’Europe qu’ils sont aussi divisés entre eux que l’étaient les émigrés de Coblentz, et ils se disputent par des quêtes rivales la bourse, tant de fois saignée, de leurs coreligionnaires. Les montagnards qui siègent à Paris recommandent officiellement au peuple, dans leur moniteur, de ne point voter aux élections communales. « Les partis, disent-ils en façon de sentence, vivent de leur respect pour les principes. » La sentence est à sa place dans le parti du 13 juin 1849, et c’est sans doute pour avoir respecté les principes qu’il est maintenant si florissant.

Nous ne serions pas étonnés qu’il y eût d’ailleurs un ralentissement général dans l’animation de tout le parti. La stricte surveillance qui a déjoué les complots du midi avant même qu’ils éclatassent doit refroidir un peu les plus ardens. Si même nous en croyons un signe qui a quelque valeur, les productions de la veine démagogique iraient en diminuant ; nous voulons parler des almanachs rouges, qui pullulaient l’année dernière et qui ne paraissent pas cette année abonder autant. Non-seulement le nombre en est réduit, mais ils ont aussi perdu de leur excentricité. M. Louis Blanc, par exemple, qui, dans l’Almanach du Nouveau-Monde pour 1850, inscrivait encore l’exact calendrier de 93 en regard du nôtre, se contente, cette année, de rappeler les mois républicains, et néglige le détail. Il prend cependant sa revanche au début de ce nouveau volume, et commence l’enseignement qu’il fait au peuple par un dialogue socratique entre LUI et MOI. Le MOI, celui de M. Louis Blanc, démontre péremptoirement la formule du socialisme, du socialisme de M. Louis Blanc, formule vieille maintenant comme les gloires du Luxembourg, et en même temps toujours aussi jeune à force de simplicité puérile : de chacun selon ses facultés, à chacun selon ses besoins ! Le maximum, le chef-d’œuvre de la démonstration de M. Louis Blanc, c’est que la vie sera d’autant meilleure qu’elle sera plus fidèlement organisée sur le modèle d’une table d’hôte ; voilà de bien tristes foyers pour les habitans de la future Utopie. L’Almanach des Réformateurs est indigne de son nom ; c’est un faux litre mis sur un recueil d’anas. Le Citoyen Déficit, l’Almanach des Opprimés, valent à peine une mention. Ce dernier est une histoire abrégée des jésuites, où nous ne pouvons cependant nous empêcher de relever une phrase qui ne doit pas laisser d’influer utilement sur le moral des lecteurs d’almanachs. L’auteur expose avec grand sang-froid la doctrine