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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/125

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souffrances publiques, où la cherté du pain et la stagnation des affaires précédaient de si peu de mois l’invasion du choléra et de la guerre civile, les revenus du roi furent largement employés, non pas seulement à des travaux féconds pour les ouvriers, pour les entrepreneurs et pour les artistes, mais encore d’une manière plus directe au soulagement des misères publiques et des infortunes particulières. Là fut la première et bien noble origine des dettes de la liste civile et du domaine privé.

Le premier de nos souvenirs par sa date est aussi le plus imposant par le profond respect que commande la grande infortune à laquelle il se rattache. Au moment même où il allait monter sur le trône pour épargner à la France les malheurs qui devaient fondre sur elle dix-huit ans plus tard, le duc d’Orléans apprit, par un message signé du roi Charles X, que ce prince avait besoin de six cent mille francs en or, et que le porteur devait faire en sorte de les lui procurer. (Ce sont à peu près les termes de ce message précis et laconique.) Le duc d’Orléans répondit au général envoyé par le roi Charles X que la somme d’argent qu’il venait chercher allait être mise à sa disposition. Il écrivit sur-le-champ au baron Louis, ministre des finances, pour l’inviter à remettre au général *** 600,000 fr. en or destinés au roi Charles X. « Je couvrirai, ajoutait-il, le trésor public de cette avance. » Les 600,000 fr. furent remis en effet le jour même entre les mains du général, qui put repartir aussitôt pour annoncer au roi qui s’éloignait le succès de sa mission.

Trois semaines après, le roi Louis-Philippe apprend que M. le duc d’Angoulême, pressé de supprimer les charges considérables que lui imposait l’entretien du haras de Meudon, créé par lui en 1821, s’apprêtait à le faire vendre. Inspiré par une double sympathie pour l’auguste fondateur et pour l’institution même qu’il regardait comme éminemment utile au pays, le roi Louis-Philippe donna l’ordre de l’acquérir. Dès le 15 septembre, le haras tout entier était devenu sa propriété personnelle, moyennant un prix de 250,000 francs. Cette somme fut payée comptant entre les mains de M. le duc de Guiche, naguère administrateur habile du haras de Meudon, devenu pour la vente le mandataire spécial du prince. Toutefois, en consentant à cette vente, M. le duc de Guiche avait fait la réserve de réclamer auprès de qui de droit le prix de travaux de main-d’œuvre et de construction que M. le duc d’Angoulême avait fait faire à ses frais sur les terrain du domaine de la couronne affectés au haras. Ces travaux de diverses natures avaient tous profité à l’état : par suite de la révolution récente, le domaine de la couronne faisait retour à l’état ; l’état devenait donc le débiteur naturel du prince. Les travaux avaient d’ailleurs été l’objet d’une évaluation régulière et administrative fort éloignée de