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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/134

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dès ce moment à l’histoire : jamais, à aucune époque, le roi n’a fait une condition à un seul de ses ministres de la présentation d’une loi de dotation, jamais il n’a formé ou dissous un cabinet dans l’intérêt de cette question de famille ; au contraire, il s’est toujours empressé de la subordonner aux exigences de la politique générale, et même à la durée des divers cabinets.

Un seul ministère a vu son existence brisée par le rejet d’une loi de dotation ; mais il est tombé devant un vote de la chambre des députés, et non devant une exigence ou un mécontentement de la couronne. Ce ministère, imposé au roi, le 12 mai 1839, par le triomphe de la coalition, avait pu croire qu’un gage particulier de dévouement rachèterait, en partie du moins, le vice de son origine. Dans cette pensée, il avait offert au roi de présenter une loi de dotation dont le cabinet conservateur de M. Molé n’avait pas cru pouvoir prendre l’initiative ; mais le ministère du 12 mai n’avait subi à cet égard ni conditions ni contrainte. Sa conviction et son habileté avaient seules déterminé la présentation de la loi à la chambre des députés. La dotation échoua devant l’incurable défaut de tous les ministères de tiers-parti, devant le doute et l’inaction du pouvoir aux jours de lutte et de péril. Cependant le roi, que le silence des ministres parlementaires dans une question aussi personnelle pour lui avait pu justement offenser, reçut avec une vive répugnance les démissions volontaires qui lui furent offertes, et ne se résigna qu’avec peine à les regarder comme irrévocables.

Un coup d’œil rétrospectif sur l’histoire de plusieurs des ministères qui se sont succédé depuis 1830 rend plus palpable encore la vérité que nous avons proclamée, à savoir, que le roi Louis-Philippe, malgré la conviction profonde du droit de sa famille qu’il se plaisait à proclamer, a toujours mis un soin religieux à séparer la politique générale de ses intérêts personnels et spécialement de la question des dotations princières.

Ainsi que je l’ai déjà dit, le premier ministère qui s’occupa de la liste civile et de la situation de la famille roule fut celui qui avait M. Laffitte pour président, et dans lequel M. Dupont (de l’Eure) siégeait comme garde-des-sceaux. C’était au mois de décembre 1830. Ministre de l’intérieur dans ce cabinet, j’ai pris part à toutes ses délibérations sur ce grave sujet. Je puis donc rendre à MM. Laffitte et Dupont (de l’Eure) cette justice de dire qu’ils résolurent les questions qui leur étaient soumises avec un entrain monarchique qui ne laissait rien à désirer. M. Laffitte, en sa qualité de président, avait pris l’initiative du projet de loi devant le conseil des ministres. Ce fut d’accord avec M. Dupont (de l’Eure) qu’il le porta à la chambre des députés le 15 décembre 1830.

Ce projet fixait la liste civile à dix-huit millions, reconnaissait le principe de l’apanage, en accordait la jouissance à l’héritier du trône