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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/195

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temps encore, dans la double nécessité de lutter contre les contribuables de mauvaise foi, et de surtaxer, à son insu et malgré lui, les contribuables de bonne foi, c’est-à-dire de mécontenter un peu tout le monde.

Passons à l’intimidation. La lettre qui nous occupe remonte à quinze jours, et, dans l’intervalle, la polémique des journaux a réduit à néant les accusations dont l’auteur de cette lettre s’est fait le trop confiant écho. À qui ferait-on croire d’ailleurs qu’un système scandaleux et public d’intimidation, tel que celui qu’on attribue ici à l’administration Narvaez, ne se serait pas tourné contre elle ? L’indignation publique aurait-elle hésité à réagir dans le secret protecteur du scrutin ? Puisqu’on nous cite M. Ledru-Rollin et ses commissaires, nous rappellerons que ces messieurs n’ont pas eu beaucoup à s’applaudir des résultats de leur politique terroriste. Si la révolution, presque universellement acceptée au commencement de mars, a été moralement renversée à la fin d’avril ; si l’opinion, abandonnée par ses chefs naturels, livrée sans contre-poids aux obsessions révolutionnaires, a spontanément nommé une assemblée franchement contre-révolutionnaire, et à qui il n’a peut-être manqué que de se connaître pour en finir du coup avec les hommes et les choses de février, n’est-ce pas surtout à M. Ledru-Rollin, à ses bulletins, à ses clubs, à ses commissaires que ce résultat est dû ?

Ainsi, parmi les expédiens électoraux qu’on reproche au ministère espagnol d’avoir mis en jeu, les uns n’étaient pas en son pouvoir, les autres n’auraient abouti qu’à sa propre ruine. Que faut-il conclure encore ici ? Que le pays, en sanctionnant par ses votes les listes ministérielles, a agi dans sa pleine et entière liberté. Ajoutons, et ceci répond à tout, que si le ministère espagnol basait sa politique électorale sur la corruption et l’intimidation, il se serait bien gardé de grossir, gratuitement et sans qu’on l’en sollicitât, le nombre des consciences à acheter et à intimider, en décrétant, un an avant les élections, la plus large et la plus généreuse amnistie qu’ait à enregistrer l’histoire moderne.

Nous voici arrivés au second chef d’accusation. Le général Narvaez, c’est toujours l’opposition qui parle, n’agit qu’en vue de sa personnalité. Au risque d’abaisser le niveau intellectuel du parlement espagnol, il a systématiquement travaillé à exclure du congrès tous les talens qui lui portaient ombrage sans distinction de drapeau. Voyez plutôt : tous les hommes marquans de la minorité progressiste, MM. Olozaga, Cortina, San-Miguel, Mendizabal, Lujan, Escosura, tombent sous les coups du ministère ; il y avait dans cette minorité sept nullités, et le congrès ne se rouvre que pour elles seules, et, pendant que le ministère laissait rentrer ces sept progressistes, il se débarrassait de la minorité modérée tout entière, dont tout le crime était d’offrir une brillante réunion de capacités, telles que MM. Pacheco, Rios-Rosas, Benavidès, Moron, Vazquez-Queipo, Gonzalès-Bravo, Nocedal, etc. Cet envieux parti-pris de prépondérance personnelle et d’exclusion se reproduit partout et jusqu’au sein du gouvernement, témoin la retraite de M. Mon. Pendant ces luttes de personnes, les réformes les plus urgentes sont laissées à l’écart, au grand mécontentement du pays, qui fait bon marché de ses rêves passés de libéralisme, mais qui demande à grands cris de l’ordre et de la publicité dans les finances, de la probité dans l’administration, des routes pour son commerce, etc. — Nous avons fidèlement résumé ce nouveau thème de l’opposition espagnole ; nous y répondrons en quelques mots.