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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/217

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Et ! ne voyez-vous pas que Jupiter tremblant
Vous demande la paix par son pavillon blanc ?

Le trait était vif. M. de Laurencin répondit qu’il se chargeait d’aller chercher lui-même les clauses de l’armistice. Les aéronautes piqués au jeu accélérèrent leurs préparatifs, et quelques jours après tout fut disposé pour l’ascension, qui se fit au Brotteaux le 5 janvier 1784. En dix-sept minutes, le ballon fut gonflé et prêt à partir. Six voyageurs montèrent dans la galerie : c’étaient Joseph Montgolfier, à qui l’on avait décerné le commandement de l’équipage ; Pilâtre des Rosiers, qui était venu de Paris tout exprès ; le prince de Ligne, le comte de Laurencin, le comte de Dampierre et le comte de Laporte d’Anglefort, gentilshommes du pays. La machine avait considérablement souffert par la neige et la gelée, et Pilâtre des Rosiers reconnut bien vite que l’expérience tournerait mal, si l’on persistait à prendre six voyageurs. Trois personnes étaient la seule charge que l’aérostat pût supporter sans danger ; mais toutes ses observations furent inutiles : personne ne voulut consentir à descendre ; quelques-uns de ces gentilshommes intraitables portèrent même la main à la garde de leur épée pour défendre leurs droits. C’est en vain que l’on offrit de tirer les noms au sort : il fallut donner le signal du départ. Tout n’était pas fini : les cordes qui retenaient l’aérostat étaient à peine coupées et la machine commençait seulement à perdre terre, lorsque l’on vit un jeune négociant de la ville, nommé Fontaine, s’élancer d’une enjambée dans la galerie, et, au risque de faire chavirer l’équipage, s’installer de force au milieu des voyageurs. On renforça le feu, et, malgré cette nouvelle surcharge, l’aérostat commença de s’élever. Il n’était que depuis un quart d’heure dans les airs, quand il se fit dans l’enveloppe du ballon une déchirure de quinze mètres de long. Le volume énorme de la machine, le nombre des voyageurs, le poids excessif du lest, le mauvais état des toiles fatiguées par de trop longues manœuvres, tout avait rendu inévitable cet accident, qui faillit avoir des suites funestes. Parvenu en ce moment à deux cents mètres de hauteur, l’aérostat s’abattit avec une rapidité effrayante. On vit aussitôt, à en croire les relations de l’époque, soixante mille personnes courir vers l’endroit où la machine allait tomber. Heureusement, et grace à l’adresse de Pilâtre, cette descente rapide n’entraîna pas de suites graves, et les voyageurs en furent quittes pour un choc un peu rude en touchant la terre. On aida les aéronautes à se dégager des toiles qui les enveloppaient. Joseph Montgolfier avait été le plus maltraité.

Le quatrième voyage aérien eut lieu en Italie. Le chevalier Andréani fit construire par les frères Gerli, architectes, une magnifique montgolfière, et il rendit les habitans de Milan témoins d’une belle ascension