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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/411

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événemens politiques et des questions sociales, avant que la révolution vînt briser le cercle où s’enfermait sa pensée. Fils d’un homme d’état éminent, M. Munch de Billinghausen (on sait que Halm est un pseudonyme) avait conquis une place brillante parmi les poètes de son pays ; il reproduisait surtout, et c’était pour beaucoup d’esprits une des principales causes de son succès, il reproduisait avec une fidélité singulière les défauts et les races de la société viennoise. Imagination sérieuse et élevée, au lieu de développer les dons qu’il avait reçus, au lieu de fortifier son talent et d’agrandir son art, il s’était abandonné sans résistance à cette mollesse, à cette effémination intellectuelle qui était la marque de l’ancienne Autriche. Ses drames, remplis d’abord de qualités touchantes, tels que Griseldis, le Fils du désert, attestaient dans une progression continue cette victoire d’une société énervante sur l’ame indécise du jeune artiste. La révolution l’a relevé comme tant d’autres, et ce qui lui est apparu tout d’abord au milieu du désordre général, c’est la prédominance de ce défaut qu’il avait partagé lui-même, c’est ce laisser-aller, cette sensiblerie du caractère viennois qui offre tant de prise aux excitations menteuses. « Le diable, s’écrie le poète, n’est pas aussi inventif qu’il veut le paraître ; il n’a pas, comme on le croit, mille tours dans sa gibecière ; une seule ruse lui suffit avec la pauvre humanité. Cette ruse unique, la voici : elle consiste à séparer en nous la lumière et la chaleur. Tantôt il aiguise notre esprit, et cet esprit si bien aiguisé, cet esprit froid, rusé, subtil, que le cœur n’échauffe jamais, est d’autant plus ardent au mal ; tantôt au contraire il éteint la lumière de l’intelligence et donne libre carrière aux puissances désordonnées de notre cœur ; de là les incohérentes songeries et les utopies insensées. Méchanceté adroite ! bonté stupide ! lumière froide et flammes ténébreuses ! voilà la ruine du monde. » Qu’en dites-vous ? n’est-ce pas là le tableau le plus vrai des révolutions de 1848 ? n’est-ce pas là, en Allemagne, le nord et le midi, le pédantisme hégélien et la niaiserie viennoise ? Et partout enfin, en Italie et en France comme chez les peuples germaniques, qui ne reconnaîtra dans cette formule l’action désastreuse des meneurs et la béate confiance des masses, pauvres troupeaux hurlant dans les ténèbres ? Il faut du moins que les dupes se ravisent, il faut que les esprits endormis se réveillent, et l’on aime à entendre ces accens virils chez ceux qui se laissaient aller jadis à l’assoupissement général. Le recueil des poésies de M. Frédéric Halm contient des pièces gracieuses, des récits pleins d’élégance et d’art pourquoi n’y trouve-t-on pas plus souvent la forte inspiration qui ose dénoncer le mal et le flétrir ? Toutes les fois que M. Halm se mesure avec la révolution, il est original ; des pensées plus hautes, de plus ardentes images viennent animer son style ; on sent qu’il est rempli alors d’émotions sérieuses, qu’il est aux prises, non pas avec les pué-