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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/42

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me retient prisonnier depuis bientôt sept semaines, sans m’avoir entendu, sans enquête, sans jugement. J’ai demandé une enquête et un jugement, cet acte de justice m’a été refusé… Je protesté de nouveau, comme citoyen suisse, comme catholique et comme évêque de ce diocèse, contre la violation de mes droits. » Il n’en fut pas moins conduit aux frontières de France, et le gouvernement de Fribourg fit même citer à la barre du magistrat des dames qui faisaient des collectes en faveur de l’évêque.

La main des radicaux de Fribourg ne s’appesantissait pas d’ailleurs moins lourdement sur les laïques que sur les ecclésiastiques. Le gouvernement avait supprimé les couvens et pris possession de leurs biens, sous prétexte de payer les frais de guerre exigés par la confédération. Néanmoins, au commencement de 1848, le grand-conseil décréta qu’une somme de 2,400,000 francs de France, somme énorme pour les modestes fortunes de ce petit pays, serait mise à la charge des principaux auteurs et fauteurs du Sonderbund, ainsi que de tous les individus qui spontanément, directement ou indirectement, avaient excité la résistance aux arrêtés de la diète et y avaient participé. Les six principaux fauteurs du Sonderbund devaient quitter le canton, plusieurs autres devaient être privés de leurs droits civils pendant dix ans. On ne tint aucun compte du règlement du grand-conseil, d’après lequel un membre de ce corps « ne peut pas être traduit devant les tribunaux pour des opinions émises par lui dans l’assemblée ; » on ne tint pas plus de compte des tribunaux eux-mêmes. On ne voulait pas se débarrasser des adversaires politiques par la guillotine, mais on voulait les ruiner. On frappa de tous côtés[1]. Sous la date du 23 décembre 1848, le grand-conseil, sentant bien malgré lui qu’il demandait l’impossible, rendit un nouveau décret par lequel la contribution était convertie en emprunt forcé remboursable à époques éloignées et sans porter intérêt. Les autorités fédérales, enchaînées par les haines du passé, ne laissèrent que trop long-temps libre carrière aux radicaux de Fribourg, qui cependant ne se maintenaient vis-à-vis d’un peuple frémissant sous leur joug que par les baïonnettes fédérales. Au printemps de 1850, le conseil fédéral fit enfin un rapport sur les plaintes des contribuables fribourgeois. Après plusieurs jours de discussions, pendant, lesquelles la majorité des membres commença à se dégager des souvenirs du passé, les deux sections de l’assemblée adoptèrent la proposition du député Kern, de renvoyer l’affaire au conseil fédéral avec invitation de chercher à la terminer à l’amiable. Le conseil fédéral nomma à cet

  1. Sur la liste des contribuables figurait entre autres une demoiselle Agathe de Praroman comme complice de la prétendue haute trahison ; or, depuis plus de cinq ans elle séjournait hors de Suisse. Pour qu’on ne nous accuse pas d’exagération, nous renvoyons au rapport du conseil fédéral sur ce sujet.