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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/45

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fait l’opposition la plus hostile à la marche des nouvelles autorités fédérales. Genève avait autrefois à sa tête des magistrats dont l’unique gloire était de se vouer à la chose publique ; M. Fazy, non content de ses appointemens, considérables pour un magistrat d’un canton suisse (6,000 francs), vient de se faire décréter une dotation de terrain d’une valeur de 2 à 300,000 francs au moment où les comptes de la petite république révèlent un déficit énorme. Cette dotation contraste singulièrement avec le refus de la pension de 2,000 francs qui devait être accordée au général Dufour après trente ans d’honorables services. Le parti libéral conservateur, assez fort néanmoins à Genève pour disputer, il y a quelques mois, la victoire au parti radical sur le terrain des élections générales, et qui, sans une pression scandaleuse, l’aurait infailliblement emporté, a eu le tort de se laisser décourager par cette défaite. Tôt ou tard il reprendra certainement l’avantage.

La situation intérieure des cantons, telle que nous venons de l’exposer, fait comprendre l’importance qu’a dû attacher la Suisse à la réélection du grand-conseil et du gouvernement de Berne, qui ont eu lieu il y a quelques mois. Il s’agissait de savoir si la marche du conseil fédéral serait désavouée ou non par le canton où il a sa résidence. Un changement de gouvernement et de constitution s’était opéré en 1846 ; à Berne comme à Genève, sous l’influence des passions anti-cléricales. Le nouveau gouvernement, représentant les tendances des corps-francs, avait surtout contribué à la crise de 1847. Sous les gouvernemens précédens, Berne avait eu proportionnellement des finances plus florissantes qu’aucun autre état de l’Europe. Deux années suffirent aux nouveaux gouvernans pour amener, par de prétendues réformes financières, des déficits énormes, quoiqu’ils eussent mis un impôt direct sur le revenu et sur le capital. Sans aller aussi loin que leurs collègues de Vaud, ils montrèrent le même penchant pour les idées socialistes-communistes et la même haine contre toute velléité d’indépendance de la part de l’église. Dès que M. Ochsenbein, devenu juste-milieu radical, fut sorti du gouvernement de Berne pour entrer dans le conseil fédéral, ses anciens collègues firent une opposition de plus en plus hostile aux mesures prises par les autorités fédérales pour le maintien de la neutralité et contre les menées des réfugiés.

Le peuple de Berne est habituellement calme et lent ; mais, une fois saisi d’une idée, il met beaucoup d’énergie et de ténacité à la réaliser. La marche du gouvernement avait fini par irriter la partie saine de la population, et tout particulièrement ces paysans honnêtes et laborieux rieux qui ont conservé l’habit jaune d’autrefois ; on se décida à se mesurer avec les radicaux dans les élections du mois de mai dernier ; le patriciat de Berne renonça à ses prétentions surannées, le paysan et le bourgeois à la méfiance qu’ils avaient gardée jusque-là contre leurs