Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/517

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ces correspondances intimes dont la publicité révolutionnaire a si bien servi sa renommée ; puis, quand le coup de quatre heures avait rendu au silence et à la solitude les galeries du Musée, le roi s’empressait presque toujours d’aller chercher au Louvre une distraction dont il attendait le signal avec impatience. Cet emploi des heures de l’après-midi n’était modifié de temps à autre que par des courses à Versailles, à Saint-Cloud, quelquefois à Neuilly, et plus rarement encore par quelques audiences. Pour terminer le tableau des habitudes ordinaires de la vie du roi, nous ajouterons que chaque soir, hors le mardi et le vendredi, qui, dans les deux dernières années, avaient été réservés à l’intimité de la famille, les salons des Tuileries s’ouvraient aux ambassadeurs, aux membres des deux chambres et à tous les fonctionnaires d’un rang élevé. Les visiteurs trouvaient dans le roi, de huit à dix heures et demie, un interlocuteur toujours prêt à accueillir les conversations sérieuses et utiles. À dix heures et demie, le roi reprenait le chemin de son cabinet. C’est alors, au milieu du silence et de l’isolement des premières heures de la nuit, qu’il mettait à profit les seuls momens qui lui eussent réellement appartenu dans la journée ; c’est alors qu’il se recueillait sur les affaires importantes soumises à son examen ou sur les grandes questions du moment. Ce travail, toujours prolongé, toujours abandonné avec regret, n’était le plus souvent interrompu que par les avertissemens de la reine ou de Madame Adélaïde. Enfin, vers une ou deux heures du matin, le roi consentait à prendre quelque repos, pour recommencer le lendemain le cours de sa vie laborieuse.

À quatre heures de l’après-midi, comme nous venons de le dire, la porte intérieure qui sépare le Louvre des Tuileries s’ouvrait pour la visite presque quotidienne du roi. C’était comme une frontière posée entre le domaine de la politique et le royaume des arts. Quand le roi l’avait franchie, il semblait respirer plus à l’aise ; il se livrait avec ardeur au gouvernement de cet empire, où la volonté est plus libre, le bienfait plus rapide, l’impartialité plus facile. Il n’est pas une de ses visites qui n’ait soulevé ou résolu une question d’art ; il n’en est pas une qui, en assurant à un peintre ou à un sculpteur des travaux toujours vivement ambitionnés, n’ait été pour quelques artistes un encouragement ou une espérance. À cette heure de sérieux loisirs, le royal visiteur venait, par un examen personnel, par ses indications ou ses conseils, s’associer aux œuvres qui devaient plus tard prendre place dans les palais de la couronne. Ainsi, sur plus de trois mille objets d’art commandés sous son règne, il n’en est presque pas un seul dont il n’ait inspiré la pensée, soigneusement examiné l’esquisse, et arrêté les dernières dispositions. Le roi n’était donc pas seulement architecte,