Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/526

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

même les plus éloignées avaient envoyé au haras de Versailles des jumens qui y étaient reçues gratuitement. Le roi a dépensé pour les frais de premier établissement du haras arabe de Saint-Cloud et de Versailles plus de 600,000 francs. La dépense totale de l’entretien montait, en 1848, à plus de 280,000 francs. Cette subvention devait croître chaque année[1]. Un débris de ces beaux établissemens aura été du moins sauvé, grace aux efforts éclairés de M. Vavin, liquidateur de la liste civile. Quarante des plus beaux étalons du haras arabe ont été acquis par l’état le 1er août 1830, moyennant 100,000 fr. Ce prix pourtant n’était qu’illusoire pour le propriétaire, car l’entretien de ces chevaux avait été laissé à sa charge pendant près de deux ans il ne recevait en réalité que 40,000 fr. tout au plus ; mais le prince qui n’avait pas hésité à payer 350,000 fr. le haras de Meudon, qui avait dépensé en outre dans l’ensemble de ses haras plus de 680,000 fr.[2] en constructions devenues aujourd’hui la propriété de l’état, avait tout approuvé d’avance. Il n’y avait de place dans son esprit que pour le regret de voir abandonner des plans utiles et des essais intéressans pour l’agriculture française.

De tous les établissemens dépendans de la liste civile qui ont dû à la libéralité de Louis-Philippe de nombreux et précieux accroissemens, il ne me reste plus à citer que les bibliothèques de la couronne. Le roi se plaisait à témoigner sa sollicitude aux lettres ; un des premiers actes de son règne avait été de confier à l’Académie française le soin de distribuer entre les descendans de Corneille des pensions dont il faisait les fonds de ses deniers personnels. En dehors de ses largesses publiques, la discrétion de ses nombreux bienfaits ménageait toujours la dignité de l’homme de lettres et laissait intacte son indépendance. Lorsqu’il rencontrait des souffrances à soulager, il n’était arrêté ni par la divergence, ni par l’hostilité prononcée des opinions ; la main du roi s’étendait à droite comme à gauche. Qui saurait, si je ne le révélais aujourd’hui, que le républicain Fontan lui a dû de mourir tranquille, et que sans lui Charles Nodier eût été forcé de vendre la précieuse bibliothèque dont il n’allait se séparer qu’avec désespoir. Cette bienveillance, trop sceptique peut-être, peut seule expliquer la prodigieuse liberté d’esprit que Louis-Philippe apportait dans l’acquisition de tous les ouvrages qu’à défaut de titres plus sérieux une célébrité, passagère

  1. Le roi avait décidé que le nombre des chevaux serait successivement porté jusqu’à cinq ou six cents ; la dépense annuelle devait donc bientôt s’élever à un million environ.
  2. Cette somme se subdivise ainsi :
    Haras de Saint-Cloud Travaux extraordinaires de 1832 à 1846 249,979 fr
    Haras de Versailles Travaux extraordinaires de 1846 à 1847 217,000
    Haras de Meudon Travaux extraordinaires de 1830 à 1846 219,872
    Total 686,851 fr.