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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/531

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comme un nouvel exemple de l’impartialité politique du roi. À la fin de l’année 1839, Louis-Philippe apprit que le chapitre de Notre-Dame manquait de ressources suffisantes pour faire à l’archevêque de Paris, M. de Quélen, des funérailles dignes du rang que ce prélat occupait dans l’église. Il mit aussitôt à la disposition de M. Affre, premier vicaire-général capitulaire, les fonds nécessaires à l’accomplissement de ce pieux devoir ; mais la famille de M. de Quélen avait résolu de prendre à sa charge tous les frais des obsèques, moins certaines dépenses qui concernaient spécialement le chapitre. Le roi autorisa alors M. Affre à combler la différence et à distribuer le reste en bonnes œuvres ; comme il l’entendrait. M. de Quélen avait été l’adversaire constant de la royauté de juillet, et M. Affre, choisi par la volonté personnelle de Louis-Philippe pour succéder à M. de Quélen, devait, huit ans plus tard, du haut de la chaire de charité, jeter la première pierre au roi proscrit et malheureux ! Mais je veux étouffer l’amertume de tels souvenirs : les passions humaines doivent faire silence sur un tombeau, et je ne vois plus que le prêtre mourant pour la paix de l’Évangile sur les barricades de l’anarchie sociale.

Les sentimens généreux de Louis-Philippe ne tenaient pas au rang suprême ; sa probité scrupuleuse eût commandé l’estime et le respect, quelque part que le sort l’eût placé ; nous citerons encore deux faits. En quittant la France, le roi laissait derrière lui pour plus de 31 millions de dettes. Ses biens personnels, ses ressources de toute espèce offraient, pour y faire face, un actif qu’il eût été téméraire d’estimer, en ce moment de dépréciation générale, à plus de 18 millions[1]. Le séquestre rigoureux dont ces biens étaient frappés laissait planer sur lui la confiscation, sur ses créanciers une ruine complète. La confiscation n’aurait profité qu’à l’état créancier de Louis-Philippe pour 3 millions. À tous ceux dont il restait encore le débiteur, elle eût enlevé le gage de leurs créances, et ce gage même était insuffisant. Eh bien ! il faut le dire à l’honneur des créanciers du roi Louis-Philippe comme au sien : il n’en est pas un seul qui lui ait adressé l’expression d’une autre douleur que celle que tous éprouvaient comme Français. Pour le reste, ils s’en remettaient à la Providence et à la famille royale, et cependant ces créanciers en immense majorité étaient des ouvriers, des commerçans, des entrepreneurs, des artistes, tous frappés par la révolution dans leur crédit et leur travail. Leur confiance était bien placée. Dès les premiers jours de leur exil, les fils du

  1. Il ne faut pas oublier que le roi, en vertu de la donation du 7 août 1830 et du testament de Mme Adélaïde, avait seulement l’usufruit de la plus grande partie du domaine privé ; la nue-propriété appartenait aux princes et aux princesses de la maison d’Orléans. Je comprends d’ailleurs dans la fortune personnelle du roi les encaisses de la liste civile et du domaine privé au 24 février.