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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/55

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harpe à la main. À peine entré, il sonne du cor. Vingt de ses compagnons se précipitent dans l’église, Allan-a-Dale à leur tête. Robin Hood, joignant alors les mains aux deux amans, ordonne à l’évêque de les marier. Celui-ci s’y refuse ; les bans n’ont pas été publiés trois fois ; le mariage ne serait pas légal. Ou je me trompe fort, ou cet évêque, qui ne veut pas violer la loi, devait être de race anglaise. Robin Hood lui ôte sa robe et la fait endosser à Little John : « Cette fois du moins, dit-il, ce sera l’habit qui fera le moine. » Little John prend sa voix la plus grave et publie les bans, non trois fois, mais sept fois, et tout le monde de rire, sauf l’évêque et le vieux chevalier normand. « Qui sert de père à la mariée ? » demande Little John. C’est, bien entendu. Robin Hood ; il la prend sous sa protection et déclare qu’il en coûtera cher à qui osera l’enlever à son mari. « Ainsi, dit la ballade, se termina cette joyeuse noce. La mariée semblait une reine, et ils s’en retournèrent à la joyeuse forêt, parmi le vert feuillage. » Joyeux, merry, est le mot qui domine dans ces poésies. L’Angleterre était-elle donc un pays de joie, ou les poètes, venus après, qui ont chanté ce temps, n’y ont-ils pas mis toute la joie qui manquait au leur ?

Ce mariage qui unit des gens qui s’aiment est un des mille redressemens dont les légendes font honneur à Robin Hood. Il est le héros du peuple vaincu et opprimé. Au prix d’un abus, qui d’ailleurs n’était pas léger, car il y allait pour les passans d’être détroussés, et pour les gardes-chasse du roi de servir de but aux flèches de Robin Hood, il se donnait la gloire de redresser tous les autres abus. Les évêques voluptueux, les magistrats tyranniques étaient attaqués, dépouillés sans pitié, quelquefois tués, mais plus souvent, après quelque mystification dans le goût grossier du temps, renvoyés sains et saufs et moyennant rançon. Sa troupe se composait pour la plupart de gens du peuple dont Robin Hood avait éprouvé la force ou l’adresse dans quelque rencontre, ou qu’il attirait par l’insinuation de sa parole. Tantôt c’est un tanneur dont il avait senti la main puissante, tantôt un chaudronnier envoyé pour le prendre mort ou vif, et qui s’enrôlait sous la bannière des outlaws. Il était inépuisable en ruses et en déguisemens, soit pour s’échapper des mains de ses ennemis, soit pour les attirer dans un piége. Il en voulait surtout au shériff de Nottingham. L’enlever du milieu de sa ville, il n’y avait pas à y songer. Robin Hood imagine de se faire boucher à Nottingham. Il prend l’habit de la profession et se met devant l’étal. Tous les chalands vont à lui, attirés par le bon marché de la viande. Les bouchers de Nottingham s’en émeuvent. On en parle au shériff, qui vient s’en enquérir auprès du faux boucher. Celui-ci lui offre de lui vendre cent de ses bœufs : ils sont, dit-il, dans la forêt voisine. Le shérif l’y suit ; ils arrivent au rendez-vous accoutumé de Robin Hood et de sa troupe, au pied du Trysting-tree. Là, au lieu