Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/557

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

élevé parmi les vertus militaires, elle ne suffit pas à l’homme de guerre. Tous ceux qui ont pris la peine de lire avec attention le récit de la bataille de Pavie, écrit par les hommes du métier, savent très bien que le roi de France a perdu la partie par présomption, par ignorance. Il a livré bataille contre l’avis de tous les vieux généraux qui l’entouraient, contre l’avis de La Trémouille ; il a cédé au conseil imprudent de Bonnivet ; il s’est laissé abuser comme un enfant par Antonio de Leyva En engageant le combat, tandis que les troupes espagnoles s’éparpillaient pour rendre moins meurtrier le feu de son artillerie, il a forcé au silence les canons qui balayaient les rangs ennemis. Il a payé de sa personne, il a bravement combattu, il a joué sa vie pour racheter sa faute ; mais sa bravoure, si justement admirée, n’excuse pas sa conduite : il n’est pas permis à un général, roi ou roturier, de sacrifier le sang de ses soldats à son ignorance, à sa vanité. Or, la bataille de Pavie, livrée contre l’opinion unanime des hommes de guerre, conduite au mépris de toutes les lois du métier, n’est aux yeux de l’histoire qu’un acte d’orgueil et de folie. La lettre de François Ier à sa mère, inspirée sans doute par un noble sentiment, est loin d’avoir l’éloquence qu’on lui attribue ; cette ligne si célèbre Tout est perdu fors l’honneur, n’est pas, comme on le répète, toute la lettre du roi. Avant de trouver cette noble pensée, François Ier adresse à Louise de Savoie une série de lieux communs, de phrases banales, qui ne préparent pas l’esprit du lecteur à l’admiration. Prisonnier dans la forteresse de Pizzighittone, dès qu’il a écouté les conditions de Charles-Quint, apportées par le sire de Roeux, il n’hésite pas à disposer de Marguerite, et à qui veut-il la donner ? Au connétable de Bourbon ! Ce roi chevalier offre la main de sa sœur bien-aimée au traître qu’il méprise. Il n’a pas voulu rendre son épée au connétable, et il ne craint pas de lui offrir sa soeur. Touchante preuve de tendresse ! Dans l’espérance de racheter le duché de Bourgogne, il donne sa mignonne à un traître. Puisqu’il avait étudié la guerre et la politique dans les romans de la Table-Ronde, il devait au moins se conduire en chevalier après la défaite comme pendant la bataille, et ne pas disposer de sa sueur comme d’un à-point pour sa rançon. La plus éclatante bravoure ne rachètera jamais une telle action.

Personne n’ignore les conditions du traité de Madrid. Le signer avec l’intention de l’exécuter, c’était l’œuvre d’un insensé ; le signer avec la ferme résolution de le violer, n’est certes pas l’œuvre d’un homme loyal. Rapprochée du traité de Madrid, que devient la lettre de François Ier à Louise de Savoie ? que devient l’honneur du roi chevalier ? Le prisonnier de Madrid avait conçu un noble dessein, un dessein généreux ; il voulait abdiquer, afin de réduire à néant toutes les prétentions politiques de son geôlier. Une fois dépouillé de la couronne par sa