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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/585

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encore par un solde aussi considérable en numéraire. N’oublions pas enfin que le récent établissement des vapeurs-poste entre la Grande-Bretagne et Buenos-Ayres a été pour le général Rosas une occasion toute particulière de montrer un bon vouloir très libéral vis-à-vis de l’Europe. Les paquebots, leurs passagers, leurs approvisionnemens, ont été affranchis des droits de port, de tonnage, de douane et de toutes autres formalités imposées aux navires marchands.

Quant à l’administration intérieure de la République Argentine, il est un fait certain, c’est que l’état d’hostilité qui semblait devoir la détruire ne l’a point empêchée de prospérer. La dette consolidée a été réduite de 50 millions de piastres à 5 millions, placés maintenant au-dessus du pair. L’apaisement des haines politiques a très certainement influé sur ces résultats ; les émigrés argentins rentrent peu à peu sur le territoire de la confédération sans être inquiétés pour le passé, en acceptant franchement une autorité chaque jour mieux enracinée dans le pays et mieux appréciée des puissances étrangères. Depuis le traité Southern, l’Angleterre est dans les meilleures relations avec le général Rosas. Les complications qui avaient provoqué l’éloignement du chargé d’affaires de Sardaigne ont tout-à-fait cessé ; le cabinet de Turin s’est même plu à reconnaître « la protection efficace dont les personnes et les intérêts de ses nationaux avaient toujours joui pendant l’absence de son agent à Buenos-Ayres. » La France serait-elle donc la seule à troubler ces bons rapports que la République Argentine aspire sincèrement désormais à nouer avec l’Europe ? On ne peut sans doute refuser une dernière protection aux aventuriers français de Montevideo ; mais la population française de Buenos-Ayres, formée d’artisans paisibles, industrieux, étrangers aux luttes intestines, appelle à meilleur titre encore cette protection de la mère-patrie. C’est pour qu’elle ne leur manque pas lors de la prochaine vérification du nouveau traité Leprédour que nous enregistrons ici avec un soin particulier ces quelques détails très authentiques sur la situation vraie de la Plata.

Nous ne sommes point d’ailleurs en position de négliger beaucoup les moyens d’agrandir nos débouchés commerciaux d’outre-mer. Depuis la triste fin qu’eut notre essai de paquebots transatlantiques, ni le gouvernement, ni l’industrie n’ont rien fait pour réparer un échec si grave. Le ministre des affaires étrangères ne parait pas incommodé le moins du monde d’avoir à recourir aux paquebots anglais pour le transport de ses dépêches dans les deux Amériques et dans l’Inde. Les grandes lignes de communication maritime nous manquent presque tout-à-fait, et il en est de ce chapitre-là comme de celui des conventions postales, dont notre diplomatie ne semble pas assez comprendre l’importance, soit défaut d’aptitude, soit défaut de sérieux. Depuis la révolution de février, on ne peut citer qu’une seule convention postale convenable à notre industrie, celle conclue avec l’Espagne, car les conventions avec la Belgique et la Suisse sont loin d’offrir les mêmes avantages.

En attendant, les États-Unis nous donnent un utile exemple. Ils inaugurent, là où nous avons échoué, un service de vapeurs qui mettra le Hâvre et New-York en communication régulière. Le premier paquebot de cette ligne, qui a tant d’avenir devant elle, le Franklin, est entré dernièrement au Hâvre. Son arrivée a été célébrée par une fête où avaient été invitées plusieurs personnes