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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/59

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têtes féminines que celui des ouvrages de Walter Scott. M. Villemain, par un de ces mots qui sont à la fois les guides de la critique moderne et ses formules dernières, a dit des romans de Walter Scott qu’ils sont plus vrais que l’histoire. On pourrait ajouter qu’ils sont plus épiques que l’épopée, parce qu’ils n’en ont pas les procédés artificiels, et plus dramatiques que le drame, parce qu’ils n’en ont pas les recettes. Allez donc voir la bruyère de Sherwood et ce qui reste de l’ancien domaine des outlaws, allez-y avec Ivanhoé à la main ; la puissante imagination de Walter Scott fera disparaître peu à peu l’aspect nouveau que la main du temps et le travail des hommes ont donné au pays, et restaurera les solitudes verdoyantes où pouvait seul s’engager un chevalier du XIIIe siècle ; encore fallait-il qu’il s’appelât Richard Coeur-de-Lion. Et si vous lisez le livre du magicien sous un des vieux chênes au feuillage sombre et presque métallique qui ont abrité Robin Hood, prenez garde que le premier garde-chasse du duc de Portland débouchant d’un fourré ne vous paraisse un des archers à la livrée verte de l’antique roi de Sherwood, venant, à l’appel de son maître, à un rendez-vous de guerre ou de plaisir.


II. - WELBECK. – LE GRAND SEIGNEUR UTILITAIRIEN.

En nommant le duc de Portland, j’ai nommé le type du grand seigneur utilitairien en Angleterre. Utilitairien équivaut ici à grand cultivateur. L’agriculture du duc de Portland est une des curiosités de l’Angleterre, et nous pouvons dire du monde civilisé. Elle a renouvelé une grande partie du pays qu’occupait jusqu’au dernier siècle la forêt de Sherwood. À la place de ces bois profonds, de ces vastes clairières où les outlaws et les gardes-chasse du roi se faisaient la guerre, des champs fertiles se couvrent de tous les genres de culture, blés, prairies, racines. La fontaine où le faux ermite de Copmanhurst venait remplir sa cruche pour les jours de visite des gardes-chasse, reçue dans des rigoles distribuées à travers ces belles cultures, y répand la fraîcheur et la fertilité. Cependant tout le bois n’a pas disparu ; Welbeck, le manoir du duc, est entouré de ses majestueux restes. C’est à peu de distance du manoir que se voit ce chêne moitié arbre, moitié monument, le plus extraordinaire, s’il n’est le plus vieux de la Grande-Bretagne. Aux alentours, on en rencontre d’autres d’une grandeur et d’une grosseur prodigieuses, ici rangés en avant du bois et en ligne comme les colonnes d’un vaste temple de feuillage, ailleurs isolés au centre de quelque clairière. Ils ont presque tous des noms et un armorial ; c’est la plus ancienne aristocratie du pays.

Des fondrières et des marécages croupissaient, il y a peu d’années, à la place où se déploient ces magnifiques cultures, l’orgueil du fermier