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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/607

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V

Pour être clair, il faudrait remonter bien haut ; mais ce n’est ici ni le lieu ni le moment d’aborder les origines de la peinture italienne et d’entrer dans le récit de ses longues vicissitudes. Qu’il nous suffise d’indiquer comment se forma, comment grandit, et à quelle mission était destinée l’école qui avait déjà le Pérugin pour chef, lorsque Raphaël vit le jour.

Cet usage de diviser et d’enrégimenter par écoles la peinture italienne a été, comme on sait, pris au grand sérieux par les uns et traité par d’autres de classification arbitraire. C’est surtout l’existence d’une école romaine qu’on a le plus souvent et le plus vivement contestée, soit parce qu’aucun des peintres réunis dans cette école, sauf Jules Romain peut-être, n’est, à proprement parler, né à Rome, soit parce que ni le style, ni la couleur, ni aucun autre caractère, ne les distinguent suffisamment des autres peintres d’Italie et même de leurs plus proches voisins, les Florentins.

Nous n’attachons, pour notre part, qu’une médiocre importance à ces divisions géographiques, souvent vides de sens ; mais si nous sommes tenté de faire une exception, c’est, quoi qu’on en puisse dire à Florence, pour soutenir qu’une école romaine a réellement existé. Expliquons-nous pourtant. Nous ne désignons pas par là, comme on le fait communément, ce groupe de peintres sortis de l’atelier de Raphaël, famille indisciplinée qui se disperse et s’évanouit aussitôt. Si c’est là ce qu’on entend par l’école romaine, nous nous réunissons à ceux qui n’en veulent pas reconnaître. Pour nous, il n’y a point d’école sans discipline et sans foi. Mais qu’avant Raphaël il se fût dès long-temps formé, sinon dans les murs de Rome, du moins dans son voisinage et sur le territoire du saint-siège, une agrégation de peintres procédant avec une évidente conformité de méthode et de but, et se distinguant, d’une manière profonde et tranchée, de tout ce qui les entourait, notamment des Florentins, c’est là pour nous une vérité hors de doute, et les recherches de la critique moderne nous en auraient, au besoin, démontré l’évidence[1]. Seulement, pour éviter toute équivoque, cette école romaine ainsi comprise a dû être débaptisée ; et comme les peintres qui en ont fait partie habitaient pour la plupart Assise, Fabriano, Pérouse, Foligno, Urbin et autres villes situées sur les confins ou au sein même de la petite province et du groupe de montagnes qu’on appelle l’Ombrie, l’usage a prévalu de désigner ces peintres sous le nom d’école ombrienne.

  1. Voyez de Rumohr : Italinoenische Forschungen, 3 th., et J.-D. Passavant : Rafael von urbino und sein vater Giovanni Santi, 2 th. Leipzig, 1839.