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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/742

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qui courait vers la place, où l’appelaient les sons d’une musette. M. Content m’apprit que c’était la noce du cousin de Pierre-Louis. Tous ceux que n’occupait point la récolte du sel se trouvaient là vêtus de leur riche costume du XVe siècle, si favorable aux hautes tailles et aux fières allures. Les deux mariés parurent bientôt, accompagnés de leurs parens, et je fus véritablement ébloui. La jeune femme avait la poitrine recouverte d’une sorte de cuirasse de drap d’or retenue par une ceinture de même étoffe ; sa jupe violette était à demi cachée par un tablier de soie flamboyante ; son corsage à manches rouges était bordé de velours et surmonté d’une large collerette de dentelles. Sur sa chevelure gracieusement enroulée dans des bandelettes se dressait une petite coiffe à ailes retombantes que retenait une couronne de roses blanches. Le marié portait des culottes de fine toile, des bas à arabesques, des souliers de peau de daim, et les trois gilets de teintes différentes recouverts du paletot brun soutaché de noir. Il était coiffé du chapeau à larges bords relevé d’un côté et orné de chenille coloriées. Enfin un petit manteau verdâtre coupé à l’espagnole pendait à son épaule, retenti par une agrafe d’argent.

Dès leur arrivée, le branle avait commencé autour du joueur de musette. Les danseurs se tenaient par la main et formaient une longue chaîne qui se roulait et se déroulait sur elle-même, traçant mille sinuosités qu’il fallait suivre en entrecoupant cette course de sauts cadencés. Il y avait, dans ce bal improvisé sous le ciel, une grace et un éclat qui me retinrent long-temps parmi les spectateurs. Le soleil couchant brillait sur l’or des costumes, la musette lançait au vent des fusées de notes aiguës ; le sol retentissait bruyamment sous le passage de la ronde toujours plus animée ; on sentait que les mains devaient se presser plus tendrement ; on voyait les visages s’épanouir dans une sorte de joyeuse ivresse.

L’arrivée des garçons et des filles de noce interrompit la fête. Il fallut les suivre jusqu’à la salle préparée par les parens. La jeune épousée fut assise sur une table près de son nouveau maître, et les garçons vinrent leur offrir quelques friandises, tandis que les filles leur chantaient la complainte de la mariée. J’avais déjà entendu ces couplets mélancoliques aux noces de la Vendée. C’était une peinture naïve de la rude vie de devoir et de sacrifice qui allait commencer pour la jeune épousée. Elle se terminait par trois stances qui pour moi étaient nouvelles, et qui ne me semblèrent point dépourvues d’une certaine grace rustique. Après avoir averti madame la mariée qu’elle devait renoncer au bal, aux rubans et à la liberté, la chanson ajoutait :

Adieu repos ! plaisir !
Quand son époux sommeille,
La femme a, pour dormir,