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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/757

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le mal, derrière les clauses qui le produisent. Aussi, tout en usant de cet abri quelconque, le président de la république ne se pique pas d’une politesse très reconnaissante envers la charte qu’il invoque. Il sait qu’elle a été faite contre lui, et tout l’attachement qu’il a eu le bon goût et la bonne politique de lui manifester ne va qu’à ne point souffrir qu’il soit rien fait contre elle. Il ne nourrit pas d’illusions à l’endroit des services qu’elle rend : « elle a des vices, des dangers ;… elle ne garantit qu’une stabilité médiocre. » Ainsi le désir qu’il éprouve de la conserver ne l’aveugle pas sur ce qu’elle vaut ; il ne se gêne point pour désirer beaucoup qu’on la change. Le président ne tient pas du tout à la constitution pour elle-même, il n’y tient que pour la stricte garniture du temps qu’elle doit occuper dans les fastes de notre droit public ; il lui suffit qu’elle soit là pour que jusqu’à nouvel ordre il n’y ait rien d’autre. Ce n’est pas nous qui le blâmerons de se contenter à si bon marché sur ce chapitre, et de n’affirmer si résolument l’inviolabilité de la constitution de 1848 que pour mettre l’assemblée législative en demeure de la réviser sous le plus bref délai consenti par la loi. La légalité dans la révision pour ôter à l’anarchie ses ressources de violence, mais aussi la révision de la légalité pour ôter à l’anarchie ses ressources légales, voilà le problème posé devant les représentans de la nation par l’élu du 10 décembre. Puissent-ils l’aborder tous avec autant de franchise et de patriotisme qu’on en a mis à les appeler sur ce terrain délicat !

Le message, dont le côté politique et moral nous a déjà si long-temps retenus, n’est pas moins important au point de vue des questions d’ordre matériel et d’économie financière, de négoce et d’industrie. Il faudrait pouvoir s’étendre maintenant sur toutes ces questions ; mais ce n’est ici ni l’occasion ni le lieu, chacune d’elle aurait besoin d’un examen trop approfondi. Nous devons remarquer néanmoins, comme un symptôme digne de tout l’encouragement des hommes sensés, que le gouvernement, dans cet exposé détaillé de nos affaires, semblerait vouloir désormais témoigner une sollicitude plus active pour les besoins de notre commerce. On ne se persuade pas assez généralement en France que les intérêts commerciaux mériteraient d’être mieux traités et de ne pas venir toujours après les intérêts politiques, que souvent même il serait opportun de les ranger dans l’ordre inverse et de reléguer ces derniers au second plan. L’Angleterre ne se conduit pas autrement ; elle sait qu’une bonne entente des voies et des ressources du commerce national peut épargner bien des agitations stériles, et partout elle met sa diplomatie à la suite de ses négocians, au lieu de laisser ses négocians à la discrétion de ses diplomates. Les nôtres sont instruits à des habitudes plus gentilhommières. On dirait que nos agens politiques dédaignent d’intervenir dans les relations commerciales, et il arrive trop souvent que nos agens consulaires négligent leur véritable mission pour se livrer à des préoccupations trop purement politiques. C’est là, sans qu’il y paraisse peut-être assez, la source de plus d’un malaise dans notre grande industrie, de plus d’un embarras au sein de nos grandes villes ouvrières, de plus d’un échec regrettable sur les marchés extérieurs.

Le message présidentiel a visiblement l’intention de réagir contre une incurie si fâcheuse : il annonce à l’assemblée des enquêtes et des projets de loi sur quelques points épineux de nos opérations commerciales ; de nouveaux